Un Prince Parmi les Peintres

Raphaël, La Velata, 1512-1515, huile sur toile, 82 x 60,5, Florence, Palazzo Pitti. 

Le 15 avril dernier marquait les 500 ans de la disparition de Raphaël (1483-1520). Mort dans la fleur de l’âge le jour de ses 37 ans, le peintre originaire d’Urbino s’est rapidement imposé comme l’une des figures majeures de la Renaissance italienne grâce à ses œuvres caractérisées par une essence presque divine. Mais tout ce talent n’aurait peut-être pas été si célébré si le peintre n’avait pas été pourvu d’une personnalité à la hauteur de son art. Gracieux dans sa peinture, Raphaël l’était aussi dans la vie quotidienne. Doté d’une charmante personnalité, il a su séduire les plus grands mais aussi les femmes qu’il semblait particulièrement apprécier. Amoureux et fougueux, il serait mort d’un excès de passion. Retour sur l’un des plus beaux mythes de l’histoire de la peinture.

Un parfait courtisan

En 1568, Giorgio Vasari écrit la biographie de Raphaël dans sa seconde édition des Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes. Rédigée quarante-huit ans après la mort de l’artiste, le texte de Vasari se fonde en majeure partie sur des informations provenant de la transmission orale, ce qui ne l’a pas empêché de participer grandement à la renommée du peintre en constituant une des principales sources de renseignements sur la carrière et la personnalité de ce dernier. Dans ses écrits, Vasari insiste sur le caractère affable, courtois et modeste du peintre faisant de lui un homme « aussi exceptionnel que charmant ». Alors que Michel-Ange et Léonard de Vinci se distinguent par leurs mauvais caractères, Raphaël, à l’inverse, semble pourvu de toutes les vertus souhaitables. Admiré en raison des gracieuses silhouettes féminines qu’il peint délicatement, l’artiste aime représenter les femmes qui l’inspirent et le charment. Vasari nous apprend qu’il est « très attaché aux femmes et empressé à les servir » mais le peintre ne semble pas avoir été un simple séducteur. En effet, on raconte que Raphaël est épris d’une seule femme. Mais qui était donc cette mystérieuse femme qui fit chavirer le cœur du plus gracieux des peintres et dont le nom n’est jamais mentionné ? 

Raphaël, Autoportrait, 1506-1508, huile sur panneau, 45 x 33 cm, Florence, Galerie des Offices.

La Fornarina

Parmi les nombreux chefs-d’œuvre peints par Raphaël lors de sa courte carrière, un de ses derniers tableaux, un portrait de femme dévêtue et parée d’un turban orné d’une perle intrigue autant qu’il fascine. Mais qui est donc cette mystérieuse femme qui trouble le spectateur à mesure qu’elle le séduit ? Pourquoi le nom de Raphaël est-il inscrit sur son bracelet ? Tantôt considérée comme une Vénus, tantôt comme la maîtresse du peintre, elle est pour la première fois rapprochée de celle que Vasari décrivait comme « la femme que Raphaël aima jusqu’à sa mort » au XVIIe siècle. De cette femme, le biographe ne nous dit presque rien si ce n’est que le peintre fit son portrait et qu’il en était éperdument épris. Une note manuscrite retrouvée dans une édition de Vasari possédée par un notaire de Rome nous informe que l’amante de Raphaël se prénomme Margherita. L’histoire raconte qu’elle était la fille d’un boulanger siennois exerçant dans le Trastevere, c’est pourquoi le tableau est aujourd’hui connu sous le nom de la Fornarina (la fille du boulanger). Le portrait de la Velata pourrait représenter la même femme, cette fois-ci vêtue.

Raphaël, Portrait d’une jeune femme (La Fornarina), vers 1520, huile sur panneau, 87 x 63 cm, Rome, Palazzo Barberini Galleria Nazionale d’Arte Antica. © Galleria Nazionale d’Arte Antica

 

Passion mortelle

La fin prématurée de Raphaël est surprenante. D’après le Vasari, « celui qui ne vécut pas en peintre, mais comme un prince » serait décédé des suites d’une nuit intense d’ébats amoureux durant laquelle « il s’y adonna avec plus d’ardeur encore que d’habitude ». Raphaël, dont la santé était réputée fragile, est probablement décédé des suites des nombreuses saignées qu’il a subies mais qu’importe, le mythe du peintre amoureux mort en raison de sa propre passion s’est rapidement imposé, renforçant l’aura galante qui entourait déjà le peintre et forgeant ainsi sa légende. Notons que l’excès de désir qui mène à la mort est un topos de la littérature pétrarquéenne dont le peintre était grand amateur. 500 ans plus tard la légende, elle, est toujours vivante.