Précieuse Nature

Gilbert Albert (Genève, 1930 – 2019)
Collier
Genève, 1988
Perlé or gris, scarabées plusiotis, perles de Chine et perles de Tahiti, brillants

Inv. H 2016-269
Don Fondation Gilbert Albert, 2016
© Musée d’art et d’histoire de Genève, photo : F. Bevilacqua

C’est une exposition qui se préparait depuis près de quatre années, organisée suite à un généreux don de la Fondation Gilbert Albert, joailler genevois, de quelques centaines de pièces aussi étincelantes qu’oniriques. Préparée en vue de la célébration des 90 ans de l’artisan et de ses 70 années de carrière, son inauguration programmée cet été se voit chamboulée par la triste disparition de Gilbert Albert en novembre dernier. Cette exposition qui fut d’abord envisagée comme une célébration anniversaire se transforme en hommage posthume mettant en avant l’incroyable modernité de ses créations, mais aussi leur caractère pionnier, et la forte personnalité de cet homme qui laisse derrière lui des centaines de créations inspirées par son second amour : la nature. Le MAH nous convie à venir dévorer du regard ces créations étincelantes, faites de pierres et de diamants, qui nous invitent à parcourir à travers ses pièces uniques une odyssée en pleine nature. Hommage à un joailler des plus précieux.

Derrière les créations les plus merveilleuses il est difficile d’oublier l’homme. Gilbert Albert, joailler de l’extraordinaire, était aussi un homme de libre pensée, un personnage espiègle, provocateur parfois, mais par-dessus tout un passionné à la grande générosité, comme en témoigne le merveilleux don fait par sa fondation au Musée d’Art et d’Histoire. Au total, quelques centaines de pièces, de la broche au collier, rejoignaient les collections genevoises en 2016, laissant place aujourd’hui à une exposition tristement posthume, mais rendant un merveilleux hommage à cet homme aux mains précieuses. C’est dans la première salle palatine que nous découvrons son oeuvre et son univers, celui d’une nature foisonnante, son unique muse se déclinant selon ses envies en comètes, en fleurs délicates, ou encore en corail venu des eaux profondes. Formé à l’Ecole des Arts Industriels de Genève, Gilbert Albert apprend la tradition et façonne son coup de crayon qui donnera par la suite vie à des créations des plus complexes. Amoureux des matériaux, il n’hésite pas à marier les plus précieux aux moins nobles, travaillant ses pièces comme des tableaux de couleurs et de matières dont seul lui semble pouvoir être le maitre.

Gilbert Albert (Genève, 1930 – 2019) Dessin, gouache sur carton noir, signé Gilbert Albert, s.d. Inv. GA_22_4R © Archives G. Albert, MAH

Au fil des ans, son écriture artistique se dessine, et le joailler puise de plus en plus clairement dans la nature, allant à l’encontre de la tendance Art Nouveau des années 60. Cette source d’inspiration, les commissaires et scénographes de l’exposition ont tenté de la recréer par une scénographie référant à la fois au foisonnement du monde sauvage et à l’esprit de celui qui tenta de le dépasser pendant des années. Car au-delà du désir de reproduction des éléments naturels, Gilbert Albert veut les magnifier. L’or se transforme en feuille striée de veines, les pierres s’assemblent et se séparent pour imiter le chardon dans une manchette finement ciselée, tandis que les scarabées, la corne, les peaux s’unissent aux pierres, démontrant la fascination du joailler pour la nature et ses textures qu’il marie sans peine aux diamants poire et oeil de chat. Sous les mains expertes de Gilbert Albert, elle n’est en fait pas imitée, elle est tout simplement sublimée. De cette exposition dont nous ressortons les yeux remplis de pierres étincelantes, nous retiendrons un adage transmis par le maitre de Gilbert Albert, « Si tu veux réussir, découvre ce que les autres ne sont pas en mesure de voir ».

Gilbert Albert, Joailler de la nature, du 10 juillet au 15 novembre 2020, Musée d’Art et d’Histoire de Genève, Rue Charles-Galland 2, 1206 Genève, www.mah-geneve.ch