Vivarium de tous les désirs

Oushaba, des bijoux créés à partir de e-déchets, des composants de téléphones, ou de clés USB, qui deviennent la pièce centrale de la création

GEM Genève est de retour du 11 au 14 mai 2023 pour sa 6ème édition. Rencontrant un succès toujours grandissant, l’événement consacré aux pierres précieuses et à la création joaillière rassemblera 187 exposants ce printemps, la plus haute participation jusqu’alors. Mais au-delà de cette présence professionnelle, GEM Genève ce sont aussi 210 exposants, une incursion dans le passé, l’histoire, la culture, puis dans le futur, avec les créateurs d’aujourd’hui et de demain, la présence d’écoles et de jeunes talents venus du monde entier. L’événement aux multiples facettes retrouve ses codes, à l’image du Designer Vivarium. Dans cet espace, dont la commission a été confiée à l’historienne de la joaillerie Vivienne Becker, la crème de la joaillerie contemporaine se dévoile sous nos yeux. Cette édition, ce sont cinq jeunes créateurs qui ont été sélectionnés, nous offrant un aperçu de cet artisanat pluriel, aux frontières de l’art. À quelques semaines de l’ouverture du salon, nous avons pu discuter avec Vivienne Becker et le jeune créateur Leen Hayne, participant au Designer Vivarium. Joyaux choisis.

Vivienne Becker, vous êtes la commissaire du Design Vivarium de GEM Genève. Pouvez-vous nous dire quels sont vos critères dans la sélection des joailliers du Design Vivarium ?
Je me base toujours sur les mêmes points : l’originalité, l’ingéniosité, et une vision créative et singulière. La sophistication et l’excellence de l’artisanat sont également au cœur de mes critères de sélection. Pour moi, les joailliers et orfèvres du Vivarium doivent se démarquer en s’inscrivant dans la tradition de cet art, tout en apportant un point de vue totalement novateur, qui va pousser la pratique toujours plus loin. J’ai sélectionné cinq créateurs cette année, et chacun d’entre eux se distingue par une approche très différente, car montrer la variété des créations et des styles est capital. Comme en art contemporain, en joaillerie un objet doit refléter son époque, et je pense que les designers de cette édition en sont le parfait exemple.

 

LIA LAM, une enseigne à l’approche moderne, minimale, structurale, et porteuse d’un message fort…

Cinq designers, dont les styles sont ici tous très singuliers. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur chacun d’entre eux, et ce à quoi les visiteurs du Vivarium pourront s’attendre ?
Oushaba est, je pense, une des marques qui s’inscrit le plus dans les problématiques actuelles. Les bijoux sont créés à partir de e-déchets, des composants de téléphones, ou de clés USB, qui deviennent la pièce centrale de la création. Nous avons la sensation d’avoir à faire à des objets d’un autre temps, mais qui s’inscrivent parfaitement dans le présent. L’originalité d’Oushaba réside notamment dans la cohabitation entre e-déchets et une technique d’orfèvrerie ancestrale. Lia Lam s’attaque de son côté à des thématiques bien connues de la joaillerie : l’amour et l’engagement. Mais son approche est d’une très grande modernité, minimale, structurale, et porteuse d’un message fort. NVW propose ici une collection qui s’articule autour du motif du corbeau, une nature qui inspire également la designer Elena Okutava qui revient au Vivarium pour la seconde fois. Elle s’imprègne du folklore, de la nature, et des légendes, pour créer des pièces d’une très grande délicatesse. Enfin, Leen Heyne est un orfèvre que j’admire depuis plusieurs années maintenant. Sa technique unique en son genre aboutit à des créations à la fois abstraites et organiques qui me font penser à des racines s’entremêlant autour d’une pierre. Chacun de ces cinq designers propose un travail très singulier, mais c’est ceci qui fait toute la richesse du Vivarium. Certains sont inspirés par la nature, d’autres par la matière, la durabilité, le folklore. Et leurs techniques, toutes porteuses d’excellence, sont elles aussi variées, démontrant que la joaillerie contemporaine est plurielle et multiple.

Leen Heyne et ses créations à la fois abstraites et organiques

Leen Hayne, pouvez-vous nous en dire plus sur vos pièces et ce qui vous a poussé à aborder l’orfèvrerie de cette façon si particulière ?
J’ai toujours aimé travailler avec mes mains, créer. Déjà petit, quand mes parents m’emmenaient au musée j’étais fasciné par l’artisanat. Mais étonnement je ne suis pas de nature précise ni patiente, à l’inverse je me qualifierais plutôt de pressé, voire précipité ! Ce caractère ne correspond pas aux techniques anciennes d’orfèvrerie. Je voulais travailler vite et avec force, ce qui m’a amené à travailler le métal en le tordant. Je le laisse ainsi décider de la forme, tout en l’influençant par la pression qui j’y apporte. Mes créations comportant une pierre précieuse ou un diamant ne nécessitent ainsi pas de griffes pour les tenir en place; je les emprisonne dans le métal. Je tiens à une esthétique minimaliste, d’une seule pièce de métal, et cette méthode pour intégrer une pierre permet de conserver ce caractère fluide. Je pense que cette approche technique est également plus fidèle à la nature du métal. J’essaye de comprendre ce qu’il veut. Mon travail commence par un dessin, puis un essai sur du nickel pour comprendre les pressions à appliquer, et enfin je réalise la pièce en or, ou plus récemment en acier.

Et pour ce qui est de vos inspirations ?
En réalité, le métal lui-même est ma source d’inspiration. Ses mouvements, sa nature, sa force, mais aussi sa flexibilité. Je le laisse guider mon travail. Mais plus récemment j’ai commencé à travailler avec des pierres de formes plus complexes, et dans ce cas ce sont elles qui vont décider du design. La matière en elle-même est ma source d’inspiration.

Elena Okutova

Vivienne, le Vivarium est aussi l’occasion d’appréhender le futur de cet artisanat en observant ses créations contemporaines. Selon vous, quels sont les défis que doivent relever les orfèvres et joailliers aujourd’hui ?
Les défis sont nombreux, à commencer par le coût des matériaux et la rareté des pierres précieuses. Mais la disparition de l’artisanat est également une problématique auxquels ils doivent faire face, ainsi qu’un marché surchargé qui rend difficile pour les jeunes designers indépendants de distribuer leurs pièces. Mais je pense aussi que le monde de la joaillerie connaît un véritable tournant à l’heure actuelle. La quête de l’individualité qui occupe notre société, nos modes de vie, la volonté d’une durabilité et d’une éthique dans notre consommation, viennent remettre en question cet univers. La joaillerie doit parler à une génération plus jeune qui partage de nouvelles valeurs, où l’objet est moins formel, mais aussi à une société où la fluidité du genre vient également changer le bijou. D’un point de vue plus pratique, les nouvelles techniques et matériaux viennent également chambouler cet art. Mais tous ces changements sont avant tout l’occasion de bousculer les conventions, de stimuler l’imagination, et d’écrire le futur de la joaillerie.

 

GEM Genève, du 11 au 14 mai 2023
Palexpo Halle 1
Route Francois-Peyrot 30
1218 – Le Grand-Saconnex GE
https://gemgeneve.com