Ugur Gallenkus: un monde, deux réalités

Un cliché de modèles filiformes en file indienne accolée à une ligne infinie de migrants Rohingya fuyant la Birmanie, une salle de bains de luxe collée à une baignoire de fortune installée dans des débris… des visuels diamétralement opposées créés par un maître dans l’art de l’illusion: Ugur Gallenkus. Ses images orchestrant des situations cocasses d’une violence rare dénoncent l’incohérence de notre monde. Le message? Réveiller nos consciences en effilochant des idées toutes tissées sur notre monde. L’artiste numérique défile ses clichés-collages chocs swipés sur nos smartphones comme une panacée contre des poncifs médiatisés à bride abattue et pour museler les nombreux prismes que revêt l’ignorance. Ainsi, derrière la force engagée de ses clichés composites d’une éloquence obsédante, se profile de vrais questionnements sur le décalage entre riche et pauvre, l’instabilité du monde et ses basculements vers l’inhumain et avant tout notre responsabilité collective. L’artiste autodidacte d’origine turc nous offre ici une inédite façon d’observer autour de nous via un nouvel état méditatif sur le monde d’aujourd’hui. 

Close-up sur ses visuels hybrides qui nous font traverser les miroirs de l’imaginaire défiant notre équilibre mental et physique et jouant avec nos sens et nos pensées.

 

Les collages digitaux d’Ugur Gallenkus
Gavés d’images à satiété, de sexe, de fric et de faucheuse, notre oeil humain est habitué à des images qui dérangent. Ce qui attise nos regards avant tout, c’est l’esthétique des visuels que nos smartphones dégainent à longueur de secondes. Quand ceux-ci sont juxtaposés avec dextérité avec des photos de nos réalités d’occidentaux privilégiés, l’effet ne peut laisser indifférent. Telle est la démarche de l’artiste numérique Ugur Gallenkus. Inspiré par un engagement inébranlable envers la justice sociale et particulièrement sensible aux événements géopolitiques de ces 10 dernières années, ce dernier, col blanc le jour, a commencé durant la nuit à réaliser des photomontages rendant compte du quotidien de pays instables. Son projet démarre en 2016, en réaction à la photographie montrant le corps sans vie d’Aylan Kurdi, le petit Syrien de 3 ans retrouvé échoué sur une plage de Turquie et devenu le symbole tragique de la crise migratoire de 2015. 

Monde parallèle et quotidien discordant
Ses photomontages forts et percutants, publiés sur Instagram, mettent en opposition l’image d’une société aisée, basée sur le confort, le luxe, les plaisirs futiles et celle d’un monde de guerre, de violence, de famine et d’injustice. Des contrastes saisissants nous conviant à la réflexion. Vous pensez à votre boisson Starbucks préférée, Ugur pense à des gens souffrant de la sécheresse, vous pensez à Lady Gaga remportant un Oscar, lui pense à un enfant qui a la chance d’aller à l’école, vous pensez à un yacht clinquant, lui pense à une embarcation de migrants et ainsi de suite. Les images, bien que totalement différentes, se répondent de manière idoine, et créent une impression de symétrie parfaite qui décuple l’impact des photos sur le spectateur. Toutes ces photos proviennent d’événements réels: guerres, conflits, réfugiés, immigrés, problèmes environnementaux, droits des femmes et des enfants, droits des animaux, surconsommation, famine etc.

Une quête pour encourager le changement social
Le décalage est tranchant, le message clair: Ugur appelle à plus de justice et de solidarité. Son travail nous fait voir le monde en face via ses deux profils à la fois. Deux mondes qui cohabitent dans le même espace-temps avec ceux qui sèment et ceux qui récoltent, ceux qui vivent la guerre et la pauvreté et ceux qui demeurent dans le confort et la richesse. Il nous confronte aux vérités d’un monde qu’on choisit parfois d’ignorer, et soutient notre regard par l’émotion qui se dégage de ses clichés donnant une voix à ceux qui n’en ont pas. Le travail artistique d’Ugur Gallenkus sort le spectateur de sa zone de confort, et l’amène à mieux se questionner sur le monde, l’éthique et la morale. Vous vous sentez concernés ? C’est le but.