Tisser sa toile

Dans une recherche constante d’approfondissement de leur pratique et de désir d’explorer de nouveaux médiums, de nombreux artistes, de toutes époques confondues, ont un jour expérimenté le travail du textile. Matériel vivant et malléable, se travaillant en deux ou trois dimensions, il fait l’objet de la nouvelle exposition de la galerie Hauser & Wirth St Moritz. On découvre alors des créations de Louise Bourgeois, Frank Bowling, ou encore Pipilotti Rist, exprimant chacun à sa façon son art à travers le travail du fil. 

Fausto Melotti Ifigenia (Iphigenia), 1978 Photo ©: Damian Griffiths © Fondazione Fausto Melotti, Milan

Cet été, le travail du tissu semble peu à peu se faire thématique. La nouvelle exposition du MCBA, portant sur les créations de l’artiste textile Magdalena Abakanowicz, puis, loin de Lausanne, à St Moritz, c’est une myriade d’artistes ayant fait l’expérience de ce matériau que présente la galerie Hauser & Wirth. Rassemblant des artistes modernes et contemporains, Fabric Works nous emmène au cœur de la création textile, mêlant des œuvres d’une grande variété, démonstrative de la pluralité de cette matière qui a toujours intrigué. Peintres, sculpteurs, dessinateurs, chacun des artistes présentés ici n’a pas fait du tissu son médium principal, mais à un jour fait l’expérience du fil. Si l’on compte à St Moritz les créations des contemporains Phyllida Barlow et Frank Bowling, nous retrouvons également le travail de Louise Bourgeois. Artiste de l’émotion et de l’expression de ses sentiments personnels, elle trouva dans le tissu le matériau idéal pour exprimer les traumatismes et peurs de son enfance. Collectionneuse acharnée de vêtements, elle a durant toute sa carrière affectionné cette pratique, se faisant pionnière de la sculpture textile. Dans la galerie Hauser & Wirth, nous retrouvons Untitled, datant de 2002, une sculpture représentant un corps gisant sur le dos placé derrière une vitrine, sa bouche béante semblant laisser échapper un cri de détresse. Parmi les autres artistes représentés dans cette exposition, nous retrouvons également le travail du contemporain Pipilotti Rist, plaçant également au cœur de son travail du textile les émotions humaines. Oeuvre majeure de ce show, ‘Yayoi, die erleuchtete Enkelin (dunkelblau pink) (Familie Elektrobranche)’, réalisée en 2022, présente un maillot de bain monté sur une armature à la manière d’une suspension lumineuse. Une forme généreuse mais légère, qui vient démontrer l’intérêt marqué de Rist pour les matières recyclées, leur seconde vie se faisant également étendard discret de leur passé. Chez Bourgeois et Rist, le textile se fait volumineux, rempli d’une certaine manière, la trois dimension au cœur de leurs projets. Mais pour d’autres artistes ici présentés, à l’image de Frank Bowling, c’est la deux dimensions qui l’emporte dans un désir de pousser la peinture plus loin. Adepte de la technique de marouflage, il associe régulièrement au tissu des objets trouvés, redéfinissant à sa manière les codes de la toile. Une exposition où le tissu se fait art, à retrouver jusqu’au 3 octobre prochain. 

Louise Bourgeois Untitled 2002 © The Easton Foundation / 2023