Souad Massi : la voix qui parle à l’âme

Sequana, le 10ème album de Souad Massi

Il y a une décennie, lorsque la musique de Souad Massi s’est immiscé la première fois dans nos esprits, on a été transportée en quelques battements de cils dans son Algérie natale. La chanteuse auteure-compositrice-interprète nous transportait de son chant envoûtant de sirène mélancolique. Depuis, elle a bien élargi sa palette de rockeuse débridée. Si vous ne l’avez jamais écouté, Sequana, son dernier et dixième album sorti en octobre dernier se dévoile le lieu idéal pour débuter. Elle y  conjugue avec poésie, retour aux racines et découverte de nouveaux horizons dont des accords puissants rock, du Gnawa sahélien, du calypso trinidadien, de la Bossa Nova brésilienne et des notes saveur country. À siroter les yeux fermés à l’Espace Vélodrome le 2 décembre prochain! 

Tête-à-tête avec Souad Massi et sa voix aussi lyrique que hypnotique. 

Vous avez baigné dans la musique avec une famille de musiciens. Comment le déclic musical s’est fait chez vous? J’ai tout d’abord commencé à 17ans par la guitare en prenant des cours à l’association des Beaux-Arts d’Alger. J’ai pratiqué avec mes frères à la maison puis j’ai intégré des groupes à Alger. Et le déclic pour moi a été la radio. J’accompagnais des amis qui devaient se produire dans deux émissions simultanément. Ils m’ont demandé de les remplacer dans l’une des deux. Et j’ai chanté Raoul…

Qui est le nom de votre premier album en France sorti en 2001! Vous sortez maintenant votre dixième album. Pour Sequana, vous avez engagé Justin Adams comme producteur…
J’avais entendu ce qu’il avait fait avec Tinariwen, Rachid Taha et Robert Plant. C’est un grand producteur anglais et le guitariste de Robert Plant. Il a accompagné plusieurs groupes et artistes. C’est une personne très sympa. J’avais besoin de lui comme un grand frère car il a plus d’expérience que moi musicalement. Il m’a aidé à être plus libre et confiante.

Votre dernier album est très coloré. Comment se sont construits vos goûts musicaux au fil des ans?
J’ai grandi dans une famille de mélomanes. Mon papa écoutait du chaâbi algérien alors que ma maman avait une prédilection pour la variété française mais aussi pour la musique classique et l’opéra. Ensuite, vers 18 ans j’ai commencé à suivre des groupes folk-rock ou hard-rock comme tous les jeunes de ma génération. Puis vers 25 ans, je me suis ouverte à la musique du monde, le flamenco, la musique turque ou encore africaine.

Sur les onze chansons, vous en avez écrites et composées neuf avec une volonté de saisir le passage du temps et l’essentiel, ce que nous devons préserver et transmettre…
Oui, je parle d’humanisme, des relations sociales. Je dénonce l’égocentrisme et je chante à propos du mal-être des adolescents car j’ai été moi-même confrontée à cela plus jeune. Le COVID a exercé ce mal et a creusé le fossé créant davantage d’isolement et d’incompréhension. J’aborde aussi la perte de repères, le danger des régimes totalitaires qui poussent les peuples à prendre tous les risques pour quitter leurs pays.

Vous êtes très engagée!
En fait, je m’intéresse beaucoup à ce qui se passe autour de moi et dans le monde, dans l’actualité. Il y a beaucoup de sujets sensibles que j’ai envie de défendre. Les jeunes qui se jettent à la mer finissant la plupart noyés…Cela me parle forcément. J’ai envie de mettre la lumière sur ces problématiques.

Pourriez-vous nous parlez de la chanson Twam qui signifie jumeau. Est-ce que cela parle de vous-même?
Non, il ne s’agit pas de moi. Ici, je parle d’une jeune femme qui a un trouble psychiatrique et qui est à la recherche de sa soeur. Mais en fait elle est à la recherche d’elle-même, elle souffre de schizophrénie. Ce qui m’a inspiré c’est une demande de composition pour un film. J’ai vu le film et j’ai été très touchée. C’est une chanson très spéciale.

Quel son tourne en boucle dans votre playlist en ce moment?
Une chanson de Léonard Cohen qui s’intitule « Here it is ». À mes yeux, c’est un grand poète qui m’a toujours marqué par sa plume et son lyrisme. Ce morceau me touche en particulier car on arrive à un âge avec ce que l’on vit comme expérience, avec nos espoirs et désespoirs, on saisit qu’on ne peut pas tout avoir dans la vie. Il faut accepter les déceptions, la vérité, et ne pas aller en contre-sens de ce qui nous arrive. La chanson « Here it is » résume tout cela et dévoile la sagesse de la vie de Léonard Cohen.

Quel est votre cri de paix?
Ma fille me dit sans cesse que j’invente des proverbes qui n’existent pas! Elle veut tous les rassembler dans un recueil car forcément une fois prononcée je les oublie. Mais j’en ai un assez basique en tête: on n’est obligé de passer par la nuit pour retrouver le jour, la lumière.

Cela ressemble à la devise de Genève: Post Tenebras Lux…Après les ténèbres la lumière!
C’est magnifique! C’est plus poétique. Mon instinct maternel me pousse à créer et inventer des histoires à mes enfants afin de les divertir.

Souad Massi
Le 2 décembre à 20h
Espace Vélodrome
Chemin de la Mère-Voie 62
1228 Plan-les-Ouates
www.plan-les-ouates.ch