QUAND L’ARTISTE DEVIENT MESSIE

@ Musée du Louvre

Salvator Mundi ou pas, l’exposition qui divinise presque Léonard de Vinci en l’honneur des 500 ans de sa mort survenue en 1519 à la Cour de François 1er est l’épilogue d’une intrigue qui aura tenu les esprits en haleine depuis plusieurs mois. Cette exposition événement retrace un grand nombre des aspects de la vie et de la production de l’artiste florentin ; des dessins à ses œuvres les plus connues en passant par ses recherches anatomiques. À voir jusqu’au 24 février 2020 dans le Hall Napoléon du Louvre.

La rétrospective consacrée à Léonard de Vinci pour le quinqacentenaire de sa mort est l’aboutissement d’une habile communication et plus généralement d’une poli- tique culturelle qui fait du peintre et inventeur florentin l’artiste phare de la période dite « Renaissance italienne ». Bien qu’elle n’amène pas de nouveaux éléments, l’exposition n’en reste pas moins ambitieuse et exceptionnelle au vu du nombre de pièces réunies et des événements annexes qui lui sont directement liés (publications, conférences). Le noyau de l’exposition s’articule autour des 22 dessins et des cinq tableaux que le musée possède, à savoir le Saint-Jean Baptiste, La Sainte Anne, la Vierge aux Rochers, la Belle Ferronnière et la Joconde, auxquels viennent s’ajouter de nombreuses œuvres prêtées par des institutions du monde entier. À mentionner toutefois, la Joconde n’a pas pu être déplacée dans le Hall Napoléon du fait de sa fragilité et est donc visible dans la Salle des États. Certaines œuvres majeures, dont le portrait de Ginevra Benci de la National Gallery de Washington ainsi que la Vierge aux rochers à la paternité discutée de la National Gallery de Londres, ne sont pas incluses dans le parcours.

@ RTS

FORTUNE CRITIQUE ET ARTISTIQUE

Léonard de Vinci est la preuve vivante, sans mauvais jeu de mot, que la côte d’un artiste est dû au tumulte qui l’entoure. En ce qui le concerne, la renommée l’accompagne tant de son vivant que de manière posthume et peut s’expliquer entre autres par les événements qui ont marqué sa vie. En effet, l’exposition résume la vie de l’artiste par des œuvres jalons, indirectement liées aux voyages qu’il entreprend et les puissants commanditaires pour qui il travaille, à savoir: la Madone Benois et le saint Jérôme pénitent commencés en 1480 lors de la période florentine, la Belle Ferronnière lors du séjour à la Cour milanaise de Ludovic Sforza, les dessins préparatoires de la Bataille d’Anghiari lors du retour à Florence en 1500 et enfin la Joconde, la Sainte Anne et le Saint Jean-Baptiste achevés à au château de Clos Lucé entre 1516 et 1519 pour François 1er.

Les nombreuses copies d’époque et reproductions qu’ont engendrées les œuvres de De Vinci attestent également du succès des dispositifs singuliers qu’il a développés. En premier lieu, au niveau iconographique avec la re- présentation de nouveaux sujets. En ce sens, la Vierge aux rochers est une œuvre singulière. Elle illustre un épisode apocryphe de la tradition chrétienne issu du Protévangile de Jacques narrant la rencontre du Christ avec Saint Jean Baptiste. L’artiste se démarque dans la représentation d’une caverne, là où le texte inscrit habituellement la scène dans un désert. Les portraits de la Belle Ferronnière, et de la Dame à l’Hermine innovent aussi grâce à une représentation de trois quarts apportant plus de vitalité que les portraits de profil à fond noir de la tradition milanaise. On relève aussi la présence d’un Salvator Mundi, réalisé par un contemporain du Florentin, qui reprendrait la même composition frontale du Christ tenant une sphère en cristal que le tableau originel de l’artiste.

@ Szépmuvészeti Muzeum

La seconde fascination pour Léonard provient sans doute de son aptitude à insuffler de la vie et de la tridimensionnalité grâce à la lumière. Le musée du Louvre expose judicieusement le Christ et saint Thomas d’Andrea del Verrochio, maître de Léonard, pour retracer l’origine de cette recherche d’effet de lumière. Le bronze se pare de touches plus claires pour indiquer l’endroit où les rayons frappent les figures et créer une impression de volume. Une recherche similaire est visible dans ses peintures. Le médium de l’huile, révolutionnaire pour l’époque, lui permet de développer la technique dite du sfumato. Un jeu sur les couches de glacis apposées sur la peinture rend effectivement les contours des figures vaporeux et véhicule ici aussi un effet volumétrique. L’exemple de la Sainte Anne (tableau et dessins préparatoires correspondants) témoignent bien de cela. Le tableau, plat par essence, acquière ainsi une profondeur inouïe et pénétrante.

Léonard de Vinci
Jusqu’au 24 février 2020
Musée du Louvre Hall Napoléon
www.louvre.fr