Précieuses Briques

Jacques Kaufmann, Filigrane / © Musée de l’Ariana

Le mur se veut depuis toujours comme un symbole fort, signe de séparation, d’exclusion, mais est aujourd’hui réinterprété dans le parc du musée de l’Ariana à travers cinq œuvres de l’artiste franco-suisse Jacques Kaufmann. Son projet initial se voit décliné en cinq pièces monumentales qui utilisent un matériau commun : la brique. Avec ce matériau, et à travers cette thématique forte mais aussi politique qu’est celle du mur, l’artiste ponctue le parc de ses pièces énigmatiques s’inscrivant à merveille dans le paysage.

Depuis vingt-cinq ans, Jacques Kaufmann, céramiste de renom, parcours le monde et y implante avec grâce et simplicité ses pièces uniques et monumentales, s’inscrivant souvent dans une démarche architecturale, en utilisant son matériau fétiche : la brique. Il la découvre au début de sa carrière lors d’un voyage au Rwanda, et prend conscience de son potentiel qu’il commencera dès lors à inscrire dans ce qu’il appelle « le paysage céramique ». Depuis ce voyage, la brique ne le quitte plus et vient s’inscrire dans son identité artistique. Il construit de nombreux murs et édifices architecturaux en utilisant ce matériau, mais tentant sans cesse de dépasser l’idée de séparation qu’il crée. Ses œuvres, à l’image de sa personnalité, sont énigmatiques et paradoxales. Il construit des murs pour mieux pouvoir les contourner, les détruire, créant des séparations tout en souhaitant s’ouvrir à l’autre, aller voir de l’autre côté du mur. L’exposition proposé à l’Ariana démontre à merveille ce paradoxe. Un mur de briques serpente dans le parc, et, malgré sa fonction première de séparation, sert déjà aujourd’hui d’alcôves à la fois intimes et ouvertes sur le monde aux visiteurs du parc. À l’arrière du musée un mur fait de briques est lui proposé comme une toile vierge, que chacun pourra lors d’événements organisés par le musée venir taguer et décorer à sa guise, avant qu’il ne soit détruit à la fin de l’exposition et que chaque brique ne soit vendue au profit d’une association. Un mur détruit qui rapproche. Autre pièce notable, deux murs de briques dites nids d’abeille qui viennent jouer avec l’ombre et la lumière, nous laissant découvrir à travers elles le bâtiment du musée en Filigrane. Ce jeu entre les œuvres et le musée se fait encore plus évident dans la construction faite de tuiles et de bois qui, telle une passerelle, nous fait passer par la fenêtre de l’extérieur à l’intérieur du musée, une jolie transition qui fera le lien entre les pièces extérieures et celles qui seront exposées dans les salles d’exposition. Dernière pièce, et l’une des plus complexes de l’exposition, la Mud Fired House, une maison faite de terre cuite de l’intérieur. Cette œuvre monumentale est l’aboutissement d’un projet dont l’artiste a toujours rêvé, et qui se réalise maintenant à l’Ariana. Jacques Kaufmann, à travers ses cinq pièces utilisant ce matériau modeste qu’est la brique, nous démontre qu’elle recèle un énorme potentiel. Pour reprendre ses mots, « presque insignifiante, la brique porte les rêves des humains, des plus doux aux plus fous« .

Mur | Murs Jacques Kaufmann, Architectures Céramiques Jusqu’au 10 novembre 2019 Musée de l’Ariana Avenue de la Paix 10 – 1202 Genève institutions.ville-geneve.ch/fr/ariana/