Point de fuite

Installée depuis moins d’un an dans le fameux Quartier des Bains, la galerie Olivier Varenne accueille cet automne une exposition rassemblant trois artistes. Trois esprits créatifs, reliés par une passion commune pour l’architecture, la perspective mais aussi la couleur. Des leitmotiv qui les relient, mais ne vous y trompez pas, tous ont leur vision propre de l’art. Sur les murs de la galerie située au 37-39 rue des Bains s’exposent alors les toiles de Bernard Borgeaud, Felice Varini et Bernard Frize. À l’époque du plat, la modernité semblant vouloir se débarrasser du point de fuite, ces trois artistes renouent avec la perspective et l’espace. Une quête que chacun mène à sa façon dans l’espace dirigé par Olivier Varenne. 

Bernard Borgeaud, 2020.6, 2020 dispositif pictural, deux éléments sur huile sur toile. 320 x 375 cm.

Dans l’espace white cube de la galerie Olivier Varenne installée Rue des Bains, c’est une explosion de couleurs qui attend le visiteur. Pour la rentrée, trois artistes sont rassemblés dans le lieu d’exposition, trois esprits créatifs distincts, cependant reliés par des causes communes. Bernard Borgeaud, Felice Varini et Bernard Frize ont tous à cœur de repousser dans leurs œuvres les limites matérielles mais aussi visuelles, sans jamais laisser de côté les questions de l’espace et de la perspective. Une réponse moderne différente, nouvelle, dans laquelle ils se retrouvent, et que l’historien de l’art Jean-Hubert Martin, résumait ainsi « La perspective à point de fuite unique a dominé exclusivement la peinture de la Renaissance jusqu’au 19ème siècle. La réponse usuelle de la modernité a consisté à respecter la planéité du support et à ne pas chercher à créer une illusion d’espace. Ces trois peintres offrent de nouvelles issues à cette question. »

Bernard Frize, Era, 2013 Acrylique et résine sur toile 160,5 x 180,5 cm.

Trois artistes donc, qui chacun se définit par une approche unique. Au centre de cet accrochage nous retrouvons les pièces de Bernard Borgeaud dont l’œuvre repose sur trois piliers étant la forme, la couleur et le geste. Sur des toiles aux châssis réalisés sur mesure, il remet en question la perspective traditionnelle, mais pousse encore plus loin son intention en venant interroger la place du tableau sur le mur. À moitié déposée sur le sol, excentrée, la toile surprend et pousse à la réflexion. Le geste étant au cœur de la pratique de Borgeaud, l’application des couleurs sur la toile se fait alors presque performance, flirtant avec la notion d’action painting, jouant tantôt entre le contrôlé et l’incontrôlable pour des toiles vibrantes et animées. La couleur s’exprime aussi chez Bernard Frize, mais d’une toute autre façon. Chez le peintre, le geste se veut réduit au minimum, sa technique reposant alors sur des entrelacs de couleurs, leur gamme chromatique elle aussi drastique, dans des séries de toiles patchwork. Un croisement de lignes multicolores qui laisse sa place au hasard, allant à l’encontre de l’expressionnisme pour aboutir à des œuvres que l’on qualifierait presque de raisonnées. Le dernier homme de ce trio, Felice Varini, invite lui aussi la couleur dans ses toiles, mais s’en sert au service d’un autre projet : la perspective. Ici elle ne se plie pas au caractère plat de la toile, mais cherche à l’inverse à investir l’espace, à la manière d’une création architecturale, obligeant le spectateur à trouver le point de focale pour reconstituer la forme. Une immersion toute en perspectives à vivre jusqu’au 16 novembre. 

Felice Varini, Quadrilatère d’arcs et de cercles, bleu, noir, rouge, jaune, 2015