Pissarro, le grand maître oublié

Camille Pissarro, Le Boulevard Montmartre, effet de nuit, 1897, ©The National Gallery, London, Bought, Courtauld Fund, 1925

 

C’est un artiste qui a contribué à forger l’identité d’un des mouvements artistiques les plus importants de la période moderne, l’impressionnisme. Camille Pissarro s’expose cet automne au Kunstmuseum de Bâle, une institution qui offre une place de première importance à l’impressionnisme, et possède dans sa collection plusieurs œuvres de l’artiste. Parfois relégué au second plan, Pissarro n’en reste pas moins un acteur principal dans le monde de l’art du 19ème siècle. À travers la nouvelle exposition du musée, Camille Pissarro, L’atelier de la modernité, nous redécouvrons l’artiste dans une rétrospective, qui arrive 60 ans après le dernier accrochage consacré à l’artiste sur le territoire suisse. Pissarro devient alors acteur de la modernité, tenant presque le rôle principal sur la scène des impressionnistes, influençant ses amis bien connus, tel que Monet, et inspirant les figures de proue de la modernité aujourd’hui connues de tous. Paul Cézanne l’avait qualifié de premier impressionniste, et était alors peut-être le premier à réellement comprendre la valeur de son œuvre. 

 

L’Histoire de l’Art laisse certains noms briller, tandis que d’autres restent dans l’ombre. Et puis il y a tous les artistes qui sont connus oui, mais moins célèbres que leurs pairs, et pourtant. C’est ainsi que va l’histoire de Camille Pissarro. Tout le monde semble avoir déjà entendu ce nom, mais parfois il est difficile de placer une œuvre sur ces lettres. Une injustice historique qui manque de rendre hommage à l’un des artistes qui fut en réalité au fondement même de l’un des mouvements les plus célèbres de l’époque moderne, l’impressionnisme. Le Kunstmuseum de Bâle s’attelle alors à réparer cette faute commise par le temps qui passe, les revues de presse, et le cours des choses tout simplement, en proposant une rétrospective consacrée au peintre. Cela faisait 60 ans que la Suisse n’avait pas vu d’exposition dont il faisait pour ainsi dire l’unique objet. Une belle occasion de se familiariser avec ce peintre qui mérite tout autant de lumière qu’un certain Claude Monet qu’il a d’ailleurs bien connu. Cette exposition hommage met à la fois en lumière l’oeuvre de l’artiste, mais également son rôle capital, qui s’est pour ainsi dire joué en coulisses. En effet, bien plus qu’un peintre de génie, Pissarro fut pour ses contemporains du 19ème et 20ème siècle un véritable mentor, guidant certains artistes, hommes et femmes confondus, dans leurs créations, jusqu’à ce que certains finissent par dépasser le maître. L’accrochage met alors en lumière ces nombreux échanges, qui allaient mener à la naissance de certains des artistes les plus importants de la période moderne, tel que Paul Cézanne qui raconte dans une lettre les conseils que Pissarro lui a donné, l’invitant à se jouer des couleurs dans ses toiles. Un conseil qui fut suivi par Cézanne, devenu pour ainsi dire une légende. 

Camille Pissarro, Paul Cézanne, Lucien Pissarro, et d’autres artistes à Auvers-Sur-Oise, 1873, Archives Musée Camille Pissarro, Pontoise

De manière à mieux comprendre Pissarro, l’exposition replace ses œuvres dans leur contexte historique, les juxtaposant à des toiles de Claude Monet, Paul Gauguin ou encore Georges Seurat. Une sélection de peintures d’exception attend alors le public, nous faisant découvrir des toiles et dessins de Pissarro de la collection du musée, mais également des prêts venus des quatre coins du monde et des institutions les plus prestigieuses, à l’image du MET de New York, de la National Gallery de Londres, ou encore du Musée d’Orsay à Paris.  Camille Pissarro, L’atelier de la modernité, plonge en réalité sous la surface de l’Histoire de l’Art telle que nous la connaissons, pour nous en offrir une version plus intimiste, au plus proche d’un personnage central que l’histoire a juste assez gommé pour nous faire oublier les contours de ses toiles. Mais désormais le public helvétique n’aura plus aucune excuse, Pissarro n’aura plus aucun secret pour lui, et oui, des années après la disparition du peintre, il sera enfin placé là où il le mérite : sur le devant de la scène. 

 

Camille Pissarro, L’atelier de la modernité, du 4 septembre 2021 au 23 janvier 2022, Kunstmuseum Basel, Saint-Alban Graben 20, 4051 Basel, https://kunstmuseumbasel.ch/fr/