Nensi Dojaka : Reine du cut-out


Elle a remporté le Prix LVMH 2021 et séduit les personnalités internationales les plus influentes de notre société. Avec ses créations déstructurées, Nensi Dojaka imagine une mode contemporaine ludique et féministe. Découverte.

 

Par Pauline Borgogno 

Sous le regard du prestigieux jury du Prix LVMH, la créatrice d’origine albanaise Nensi Dojaka s’est illustrée avec brio. C’est à l’unanimité qu’elle a remporté le concours qui récompense les designers les plus doués de leur génération. Un succès sans appel et mérité, qui s’explique par sa vision pointue et audacieuse de la mode post-pandémique. 

La créatrice Nensi Dojaka

Poupée effrontée 

Faussement naïves, mi-sexy mi-grunge, les tenues déstructurées imaginées par Nensi Dojaka jouent sur un concept de cut out subtilement maîtrisé. Le but : en dévoiler juste ce qu’il faut pour mimer l’apparence d’une poupée, dont le charme ambigu souffle le chaud et le froid. Tantôt sage, tantôt farouche, la muse Nensi Dojaka ne se laisse pas faire. Ne vous fiez pas à sa silhouette déshabillée et gracile : l’atout dominant, c’est elle. « Je suis très heureuse que Nensi Dojaka soit la lauréate du Prix LVMH 2021. Sa garde-robe à la fois sensuelle et architecturée renouvelle les codes du vestiaire féminin, proposant une allure affirmée », souligne à ce sujet Delphine Arnault, fondatrice du Prix LVMH. Issue d’une nouvelle génération de designers obnubilés par l’omniprésence du corps, de la peau et d’une sensualité assumée, Nensi Dojaka se démarque par son identité graphique et sophistiquée… Mais aussi un brin dévergondée.

L’art de la suggestion 

La jeune créatrice albanaise n’est pas sans rappeler une Vivienne Westwood à ses débuts.Les deux ont un attrait commun pour la transparence, les vêtements faussement déchirés, le jeu du dessous-dessus, une imagerie néo-punk. À cela près que Nensi Dojaka se distingue par une approche plus subtile et pudique avec sa marque éponyme. D’une fine lanière, le vêtement semble comme en suspension, peinant à se maintenir en place. Sa vision hybride entre lingerie et couture ne traduit jamais la vulgarité, toute son habileté se traduit par l’art de la suggestion. Ses pièces asymétriques et féminines puisent leur inspiration dans des réminiscences 90s tandis que ses jeux de matières oscillent entre un fébrile organza biologique et une résille feignant la provocation. Autre point commun avec sa consoeur anglaise, Nensi Dojaka séduit les stars de son époque. Là où les Sex Pistols ont décuplé le succès de Vivienne Westwood en fréquentant sa boutique régulièrement, les nouvelles personnalités ayant propulsé l’albanaise se nomment aujourd’hui Bella Hadid, Emily Ratajkowski ou Sophie Turner. Toutes sont des créatures longilignes aux mensurations parfaites — heureuses de pouvoir dévoiler leurs courbes avec tact sous le prisme glamour de la créatrice. Vêtue d’un body manifeste du label aux MTV Video Music Awards, Bella Hadid a propulsé Nensi Dojaka au sommet en à peine quelques heures. « Tout le monde voulait acheter le body de Bella ! Cela m’a beaucoup aidée », déclare-t-elle à Vogue à propos de sa marque qu’elle qualifie de « forte, féminine et minimaliste ». La jeune femme ne démérite pas avec sa mode engagée et promet d’ouvrir la voie à une génération assurée de créateurs, plaçant leur label sous le signe d’un féminisme ouvertement revendiqué.