Meret Oppenheim : l’artiste plurielle

Margrit Baumann, Meret Oppenheim dans son atelier, 1982, Kunstmuseum Bern, ©Margrit Baumann

Meret Oppenheim est sans conteste l’artiste suisse la plus importante du 20ème siècle, véritable figure de proue du surréalisme. Cette année, le Kunstmusem de Bern rend hommage à cette créatrice sans limite à travers une rétrospective rassemblant des oeuvres de la collection du musée, en collaboration avec la Menil Collection de Houston et le Muséum of Modern Art de New York. Cette première exposition transatlantique rassemble pas moins de 200 oeuvres, des créations sur papier aux peintures, en passant par des sculptures et autres objets désormais devenus emblématiques de son oeuvre. Meret Oppenheim, Mon Exposition, propose de revenir sur cinquante années de créations, témoins de l’incroyable esprit artistique de cette femme qui à produit une Oeuvre des plus diversifiées. Ici nous redécouvrons alors les influences qui l’ont guidé, mais aussi son refus d’être catégorisée, et bien évidemment ses oeuvres, qui plusieurs décennies après la disparition de l’artiste suisse continuent de fasciner et d’être d’une remarquable actualité.

Meret Oppenheim, la naissance d’une légende

C’est une femme qui savait ce qu’elle voulait. À 18 ans, après sa scolarité terminé c’était décidé, elle deviendrait artiste. Elle part alors pour Paris et travaille dans divers ateliers, découvrant tout un univers, mais surtout des artistes : Alberto Giacometti, Max Ernst, Jean Arp. Un entourage inspirant qui allait faire plonger l’artiste suisse la tête la première dans l’univers surréaliste. En 1933 elle participe à sa première exposition entourée des surréalistes de Paris de l’époque. Elle se lie alors d’amitié avec André Breton, où elle crée rapidement des liens avec Dora Maar, Marcel Duchamp, Leonor Fini, ou encore Man Ray. Mais ces années 1930 furent également une période difficile pour Meret Oppenheim. Née à Berlin, elle voit toute sa famille quitter l’Allemagne pour la Suisse, leur nom d’origine juive rendant les constantes discriminations insupportables. À son tour elle s’exilera pour la Suisse et les rejoindra à Bâle plus tard. Elle ne communiquera alors plus que par échange épistolaire avec ses amis artistes parisiens, eux aussi s’exilant tour à tour à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale. Cet isolement fut pour elle une véritable contrainte tant au niveau social que créatif et impactera fortement sa productivité artistique. Ce n’est qu’en 1954, alors installée à Berne avec son époux, que cette crise de la toile blanche prend fin. Elle installe son atelier dans le quartier des artistes de Berne, créant dans un univers foisonnant de créativité et multiplie les expositions. Sa réputation n’est plus à faire, Meret Oppenheim s’est fait un nom et connait sa première rétrospective au Moderna Museet de Stockholm. Dès 1972 elle vit entre Berne, Carona dans le Tessin, et Paris où elle prend un atelier. Le succès continue, les expositions se multiplient, les prix aussi. Une légende est née.

Meret Oppenheim, Octopus’s Garden, 1971, Photographie de P. Schälchli, Zürich ©2021, ProLitteris, Zurich

Une artiste plurielle

L’exposition proposée par le Kunstmuseum de Berne rassemble au total plus de 200 oeuvres, dont la plupart sont issues de la riche collection de l’institution. Déjà en 1984 l’artiste avait été le sujet d’une rétrospective à la Kunsthalle de Berne, où 200 de ses oeuvres avaient été sélectionnées par Meret Oppenheim elle-même, puis reproduite en format miniature. La créatrice sans limite le disait déjà à l’époque, cette exposition n’était qu’un exemple parmi les nombreuses rétrospectives de son oeuvre possible. L’exposition organisée cet automne par l’institution bernoise reprend alors cette idée de l’artiste, avec la présentation au public de 200 oeuvres issues de ses cinq décennies de création. Tout commence alors dans les années 1930 à Paris, quand Meret Oppeneheim côtoie le cercle surréaliste, entre dans cet univers et crée à son tour des oeuvres de jeunesse qui portaient déjà en elles une maturité indéniable. Et puis une pause dans sa création, avant que les idées ne reviennent aux suites de la Seconde Guerre Mondiale, sur le territoire suisse cette fois.

Au-delà du tracée de son évolution artistique, l’exposition met également en avant ses influences, et l’impossibilité de classer dans une catégorie définie. Au fil de sa vie, nous en apprenons plus sur les cercles qu’elle allait fréquenter entre Berne, Paris, et Carona, les influences de ses rencontres sur son oeuvre, résolument plurielle. Se jouant de tous les médiums, Meret Oppenheim a résolument surpris. Classée par l’histoire de l’art dans le courant surréaliste, elle refusait pourtant une catégorisation unique. Et la diversité de ses créations témoignent de cette impossibilité de réduire son travail à un courant, mais réclame à l’inverse une ouverture totale sur le monde de l’art dans son ensemble.

Meret Oppenheim, Ma gouvernante, 1936/1967, Moderna Museet, Stockholm Photographie Albin Dahlström ©2021, ProLitteris, Zurich

Un panorama complet

L’exposition Meret Oppenheim, Mon Exposition rassemble alors parmi des oeuvres les plus emblématiques de sa carrière. On retrouve alors des peintures de son époque parisienne, mais aussi, bien évidemment, des objets devenus indissociables de son Oeuvre. Parmi ceux-ci les souliers servis sur un plateau de Ma Gouvernante, mais aussi la chope de bière agrémentée de fourrure, ou encore les gants inquiétants de Pelzhandschuhe. Ses sculptures sont également au rendez-vous, faites de bronze ou de matériaux récupérés. Au-delà de ses créations il est aussi question de témoignages sur sa vie, notamment retranscrits via des photographies de l’artiste. Meret Oppenheim, Mon Exposition se veut alors résolument plurielle, et par son essence même parvient à capter toute la particularité de cette artiste suisse à l’Oeuvre des plus singulières.

Meret Oppenheim, Mon Exposition, du 22 octobre 2021 au 13 février 2022, Kunstmuseum Bern, Hodlerstrasse 8-12, 3011 Berne, https://www.kunstmuseumbern.ch