Le prix de la paix

Une exposition de messages de paix au Musée du Génocide à Sarajevo. Le tourisme de guerre contribue en grande partie à l’économie de la ville, 2017, ©Ron Haviv / VII

Qu’est-ce que la paix en réalité ? À quoi ressemble-t-elle quand enfin elle survient dans une zone où la guerre et le conflit furent le leitmotiv durant des années ? C’est sur cette problématique que s’interroge la nouvelle exposition du Musée International de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Car la paix, en vérité, est bien lointaine des images qu’il est facile de s’en faire. Dans un désir de vérité, des grands noms de la photographie retournent, parfois vingt ans après, sur les zones de conflit qu’ils ont couvert. Car à quoi est-ce que ressemble réellement la paix à Beyrouth, après des années de conflit ? Comment est-ce que s’est relevée la capitale ? Et le Cambodge ? À quoi est-ce que ce pays défiguré par les guerres ressemble-t-il aujourd’hui ? Pensée en collaboration avec la VII Fondation, cette nouvelle exposition « Imagine : Penser la paix » est également l’aboutissement d’un ouvrage sans précédent qui interroge les réalités de ce mot empli d’espoir qui cache parfois une réalité des plus sombres.

À des centaines de kilomètres de la Bosnie-Herzégovine ou du Rwanda, il est aisé de voir la paix comme une évidence. Alors que les médias semblent avoir oublié ces pays qui faisaient quotidiennement l’actualité dans leurs périodes les plus sombres, le Musée de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, en collaboration avec la VII Fondation, interroge sur le vrai prix de la paix, et de sa quête qui en certains lieux semblent presque vaine. Au-delà des conflits, des gouvernements, les individus eux restent les premières et dernières victimes de ces guerres. Regard inédit sur l’histoire, Imagine : Penser la paix parvient avec brio à nous rendre compte d’un processus de guérison complexe où les cicatrices perdurent, et où le passé douloureux ne veut pas être oublié. Images du passé et du présent se côtoient et se contredisent, ou alors se ressemblent, tandis que les fils de la guerre et de la paix s’entremêlent. Les photographes Don McCullin, Ron Haviv ou encore Roland Neveu, repartent sur ces terrains qu’ils ont couvert pour l’actualité au coeur des conflits. Pour certains, en retournant sur ces mêmes lieux des dizaines d’années plus tard, le passé ressurgit plus clairement que pour d’autres.

Aujourd’hui, les vêtements des victimes sont souvent conservés comme des reliques, 2019, ©Jack Picone

Dans la capitale libanaise, frappée par une nouvelle tragédie cet été, Don McCullin découvre un pays allant continuellement de l’avant. Mais les stigmates des conflits passés sont toujours bel et bien visibles, et le reporter distingue encore aujourd’hui le feu du passé sur lesquelles les cendres du présent se déposent. Au Cambodge la paix est plus difficile à trouver. Gary Knight se souvient de son arrivée au pays en 1975. Pendant des années il rapporta au monde la tragédie de ce pays, et présageait déjà de la longue route à parcourir jusque’à sa guérison. Plus de 40 ans plus tard, l’histoire de la paix au Cambodge reste fragile. De cette fin de conflit ressort pour de nombreux cambodgiens un sentiment d’injustice, et une souffrance qui ne les a pas quitté. Dans les faits, la paix est elle aussi subjective. En 2017 Gary Knight retournait sur place, et rencontrait Sophary Sophin, une jeune démineuse s’efforçant d’éduquer les populations sur les dangers des mines terrestres. Ces deux derniers mots témoignent d’une paix difficile à retrouver dans ces lieux meurtris par l’Histoire. Dans ces photographies, une réalité bien plus complexe émerge peu à peu. Ces pays oubliés, ces conflits que l’on apprend à connaitre dans les livres d’Histoire, restent une réalité bien présente dans ces lieux où le conflit a persisté durant des années. Imagine : Penser la paix nous invite à ne pas oublier le passé, et encore moins son impact sur le présent, car si la guerre est terminée, la paix n’est pas toujours trouvée.

Imagine : Penser la paix, du 16 septembre 2020 au 10 janvier 2021, Musée International de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Avenue de la Paix 17, 1202 Genève, www.redcrossmuseum.ch