L’Abstraction Rationnelle

Censée se profiler en invité spécial des Journées Photographiques de Bienne, le METEO Science Performance volera finalement de ses propres ailes sur internet. Presqu’une leçon de darwinisme à une période où l’instabilité est maître mot.

Alors que tout ce que le monde compte comme bidouilleurs musicaux se lâche sur les réseaux pour différentes raisons, la plupart très valables, METEO réussi le tour de force de s’offrir une présence sur la toile en compagnie des Journées photographiques de Bienne. En effet, alors que cette 24ème édition s’est vue brutalement annulée, l’essence même du projet de METEO, le média culturel porté par Witold Langlois, a permis de sauver les meubles par sa nature intrinsèquement virtuelle. Ironie de l’histoire, le thème de cette 24ème édition désormais tronquée devait être de “retrouver une conscience collective dans un climat de rupture”. D’aucuns lâcheraient un petit “lol” de circonstance.

Depuis le début de cette fameuse pandémie de COVID-19, l’humanité continue de briller de mille feux. La magie populiste s’exprime, enhardie par elle-même, et pour une fois, miracle, nous faisons face à un virus que les boniments de la frange ne parviennent pas à couvrir. C’est d’ailleurs le signe que tout cela n’est pas orchestré par une quelconque caste d’illuminatis sponsorisés par Bill Gates pour injecter une nanopuce en chacun à travers un vaccin démoniaque (sympa pour Georges Soros d’ailleurs…). Confinés, nous avons découvert la joie du videobomb du Zoom pro de son partenaire, goûté au calme urbain d’une scène d’un film post-apocalyptique ou encore entendu une Jacqueline Champeloise pester sur son voisin qui ne respectait pas assez la distanciation sociale dans la queue pour aller chez le boulanger.

©Aamourocéan

Trêve de petits pains et recentrons-nous sur la météo. Le projet Science Performance c’est un peu le rêve d’un scientifique trop mauvais musicien ou d’un musicien trop peu scientifique. En réalité, Witold Langlois en sa qualité de chef d’orchestre a monté un projet destiné à s’épanouir en cinq épisodes seulement, venant mêler deux mondes que tout semble à la fois opposer et réunir, la musique et la science. Un projet certes à court terme, mais c’est une performance, pas un sacerdoce à la Tiger Kings !

Pour commencer, Witold creuse et trie quelques tonnes d’images destinées au concours du Fond National Suisse d’images et vidéos scientifiques. Déjà là, il faut s’imaginer des photos de toutes nature, du glacier, au microscope à balayage en passant par des grues en action et des crânes en suspension. Ensuite, une “histoire” est créée, un montage est fait des séquences choisies, rassemblant en un unique projet des images venues de tous horizons, où la science est placée sur le devant de la scène. Une fois que le résultat de ce montage satisfait son créateur, il est envoyé sous la forme d’un film muet à l’artiste sélectionné pour que ce dernier puisse créer la bande-son. L’inverse d’un clip donc, l’image arrivant après la musique, le musicien devant composer avec des visuels comme unique point de départ. Un véritable défit du point de vue créatif qui relie avec audace science et musique pour les amateurs d’étranges clichés et de musique innovante.

L’année dernière, les images de 2017, 2018 et 2019 ont été utilisées, une façon de rattraper un retard virtuel sur les années précédentes. Cette année c’est logiquement 2020 et 2021 sera la clôture du pentaptyque, tableau en cinq volets venant poser le point final à ce projet. Mais à qui envoyer ce zbeul visuel ? Et selon quels critères ? Pour comprendre le choix de l’artiste, il faut tout d’abord se pencher sur l’essence même de METEO.

Dans l’ADN de METEO il y la volonté de rapprocher les artistes des scènes francophones, de ces pépites uniques et si particulières, et donc ce sont des producteurs de musiques électroniques qui auront été jugés les plus innovants, les plus en avance sur leur temps. Car un musicien en avance, c’est avant tout quelqu’un qui vous transporte ET vous fait vous interroger. 

Cette année c’est le parisien Aamourocéan qui a proposé une interprétation musicale de cette série de séquences scientifiques. L’homme sévit dans une sorte de hardcore sentimental, vous savez cette resucée à mi-chemin entre un dauphin fluo et une vieille rave gabber. Bref, ce mariage très audacieux génère une fusion entre le monde scientifique et le monde de l’art, entre la pierre et le dopamine. 

Tel un retour à une universalité que la science avait décomposée pour mieux l’étudier, le projet de METEO Science Performance est un retour qui redonne une vie nouvelle à la fois qu’ancienne dans nos cerveaux en mal de bouffe.

La partie 4 du METEO Science Performance se visionne ici.