La Sicile étoilée de Roberto Toro

Le chef étoilé Roberto Toro devant Otto Geleng ©DR
Sur les hauteurs de Taormine, là où la Méditerranée embrasse l’Etna et où le ciel semble peint à la main, le Grand Hotel Timeo cultive l’art de recevoir. Mais au-delà de son charme Belle Époque et de ses panoramas de carte postale, c’est un homme qui donne ici toute sa profondeur à l’expérience signée Belmond : le chef Roberto Toro. À la tête du restaurant Otto Geleng, il signe une cuisine d’auteur, étoilée et enracinée, qui fait dialoguer mémoire sicilienne et éclat contemporain. Récit.
Table avec vue, assiette avec âme
Otto Geleng, c’est un refuge gastronomique aussi rare que précis. Seize couverts, pas un de plus. Un service en demi-teinte, feutré, élégant. Et dans l’assiette, des émotions taillées au scalpel. Chez Toro, la Sicile n’est pas une carte postale figée, c’est une langue vivante. Une vibration. Il en capte les inflexions, en modernise les idiomes, en révèle les silences. Tout commence par une mise en bouche d’une justesse saisissante. Puis la mer entre en scène — sobre, pure, presque chuchotée. Les légumes, eux, explosent de franchise. Le plat signature ? Il change selon l’humeur du chef, la saison, le vent. Mais toujours, il y a cette tension délicate entre générosité et retenue. Comme un morceau de jazz joué en cuisine.

Les créations aériennes du chef Roberto Toro ©DR
En novembre dernier, pour nous, Roberto Toro déroulait une partition automnale aux accents intimes. En prélude, un tartare de bœuf presque nu, relevé d’un souffle de câpres, d’une caresse de truffe noire et d’un jaune d’œuf en équilibre, comme une confidence murmurée. Puis venaient les animelles, tendres et charnelles, sur un lit de blé et de laitue, twistées d’ail : un plat de terroir, mais en smoking. Les tortelli, farcis au lapin, ouvraient un dialogue entre le poivre vert et le caciocavallo, pendant que les fèves jouaient les trouble-fête avec élégance. En point d’orgue, un agneau patiemment rôti, escorté de carotte, de chou et d’anis étoilé — comme si l’automne avait trouvé sa voix. Et pour ceux qui aiment finir par un baiser sucré : un mascarpone aux cerises, pistaches et chocolat blanc, aussi décadent que délicat. Mention spéciale à leur menu dédié à l’eau, aussi singulier qu’apprécié. Parmi la cascade de sources provenant du monde entier, on a opté pour celle provenant de l’Etna.
Lenteur, luxe et lumière
Et que dire du cadre ? Une terrasse tournée vers l’infini, la baie de Naxos en contrebas, l’Etna à l’horizon, impassible. On dîne au bord du mythe, entre le velours du ciel et la douceur du vent. Ici, même le silence a du goût. Ce n’est pas simplement un repas. C’est une immersion. Une parenthèse cousue main, pensée pour ceux qui savent que le vrai luxe, c’est le temps. Le temps de s’asseoir, de respirer, de savourer. Au Grand Hotel Timeo, Roberto Toro ne cuisine pas pour séduire : il cuisine pour transmettre. Pour faire ressentir. Pour réconcilier la mémoire et le présent dans un geste pur, délicat, essentiel. Ici, la Sicile ne se visite pas. Elle se goûte.

Le restaurant Otto Geleng avec ses 16 couverts ©DR
Grand Hotel Timeo : la scène d’un autre temps
Impossible de parler de la cuisine de Roberto Toro sans mentionner l’hôtel dans lequel sied sa cuisine: le Grand Hotel Timeo qui fait partie de ces lieux rares où l’histoire, le paysage et l’élégance s’accordent à l’italienne. Posé en équilibre au-dessus de la Méditerranée, au cœur de Taormine, il ne surplombe pas seulement la baie : il tutoie les dieux. Littéralement. À quelques mètres à peine s’élève le Grand Théâtre Antique, monument grec devenu joyau sicilien, où résonnent encore les voix des tragédies anciennes et les silences sacrés de l’émerveillement. Depuis les jardins parfumés du Timeo, on peut presque sentir le souffle de ces siècles d’art et de beauté. La proximité n’est pas géographique : elle est vibratoire.

Vue sur le Grand Hotel Timeo avec pour panorama l’Etna ©DR
Le charme suspendu
Le Timeo a cette allure discrète mais racée, comme un vieux film en technicolor dont on ne se lasse pas. Les chambres, tournées vers la mer ou l’Etna, ont ce raffinement d’un autre âge — entre fresques, meubles patinés et tissus qui racontent les étés d’avant. Les jardins en terrasse s’étagent comme des vers d’un poème bien rythmé, entre citronniers, lavande et silence choisi.Rien ne crie, ici. Tout suggère. Le service, feutré. Le décor, d’époque sans nostalgie. Le coucher de soleil, magistral. Et partout, cette impression de marcher dans un lieu qui sait. Qui a vu. Qui continue de regarder, sans jamais juger.
Otto Geleng Restaurant
Via Teatro Greco, 59, 98039 Taormina ME, Italie
www.belmond.com
