La mode comme expression
Décidément, la HEAD regorge vraiment de talents ! Encore une fois cette année, c’est une de ses élèves de Master qui se distingue, cette fois-ci en reportant le Swiss Design Award (rien que ça !). Virginie Jemmely, diplômée en Master en Design Mode & Accessoires de la HEAD Genève, nous parle de la collection qui a su conquérir le jury. Entre quête d’identité et affirmation de soi, expression personnelle et besoin de validation, c’est une collection qui transmet l’état d’esprit d’une époque par le biais de la mode, mais aussi de l’accessoire. Les projets d’avenir de la talentueuse créatrice ? Un petit tour chez Acne Studios pour commencer, rien que ça, et une suite que l’on devine déjà brillante. Virginie Jemmely s’affirme alors comme une personnalité mode à suivre, qui nous rappelle encore une fois que la Suisse est définitivement une terre fashion. Rencontre avec une véritable étoile montante de la mode.
Avant toute chose, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre parcours, et ce qui vous a amené à la mode ?
Petite j’ai appris à coudre avec ma grand-mère en voulant créer des nouvelles tenues pour mes Barbies! J’étais passionnée par le fait de leur façonner une identité. Tout au long de mon enfance je me projetais designer de pleins de façon différentes: en dessinant des collection sous forme de mini magazines, en faisant des photoshoots avec mes copines à la campagne etc. (rires). J’ai commencé assez rapidement à vouloir me différencier par mon style vestimentaire, car paradoxalement j’étais super timide alors c’était une façon pour moi de me sentir exister. J’ai débuté par une formation technique en Couture avec Maturité intégrée. Après un complément de formation en Costumière de Théâtre, je rentre en Bachelor à la HEAD de Genève en Design de Mode. Après le Bachelor, j’assiste une designer au studio prêt-à-porter femme chez Paco Rabanne. Suite à ça, j’obtiens mon Master en Design Mode & Accessoires. Cette année j’ai continué d’approfondir mes projets personnels brouillant les frontières que je m’étais mise pendant longtemps, entre l’art et la mode. Cet été j’ai eu la chance de pouvoir organiser à Fri Art, Centre d’Art Contemporain à Fribourg, un défilé-performance “elle était texte par l’intelligence du regard” présentant mes deux dernières collections dans un univers complet.
Vous avez remporté le Swiss Design Award de cette année, quelle était l’idée derrière la collection que vous avez présentée ?
La thématique de ma collection est tirée d’un univers symbolique que je crée à travers mes dessins et peintures traduit par des personnages archétypaux mis en scène. La collection est construite autour de ces trois archétypes : le business man, la femme dans toute sa panoplie et le bébé. Ces trois figures sont pour moi les plus parlantes par rapport au sentiment de pression que la société provoque sur nous, et comment elles influencent notre identité. Chacun de ces personnages représente une facette parmi les milles et une facettes de ma muse qui se refuse à choisir l’une ou l’autre, qui refuse de se figer. Cette collection est un manifeste en faveur de la possibilité d’être multiple, de la possibilité d’une identité changeante. “elle était texte par l’intelligence du regard” est une phrase tirée du livre “et je la voudrais nue…” de la créatrice de mode et écrivaine Sonia Rykiel. Cette phrase est pour moi très représentative de la “profondeur de l’artificialité, concept rejoignant l’idée d’une identité multiple et changeante et de la performativité de soi.
Vos accessoires sont très reconnaissables aux yeux des amateurs de mode et de luxe, que désiriez-vous communiquer à travers ces créations ?
Oui en effet, j’ai créé des faux sacs de luxe avec du plastique recyclé. Cette contrefaçon souligne le conflit entre fascination et rejet de la mode établie. N’étant pas ouvrables, ils sont traités comme des bijoux, ils ne deviennent plus qu’images. C’était ma façon de faire un clin d’œil à une des problématiques de la mode d’aujourd’hui: où la mode n’est plus qu’image et où l’on accorde de moins en moins d’importance au produit en tant que tel. À sa matière et ses composantes, son toucher, et de par ce fait au processus de production. Heureusement, la nouvelle ère est à la prise de conscience!
Ces sacs relèvent aussi évidemment le phénomène du copyright et ses problématiques, notamment entre les marques de luxe et les jeunes designers. Mais ils prolongent aussi les questionnements de la collection liés au “faire semblant”, à la “tromperie” et aux jeux de rôles.
La mode reste un univers qui encourage le besoin de validation, même si elle est également lieu d’expression personnelle. Pensez-vous que la mode de demain permettra de trouver un meilleur équilibre entre ces deux valeurs ?
Je pense que la mode est le reflet de la société et que tant que l’on considérera l’identité comme une finalité et comme non changeante et non multiple, il sera compliqué de trouver un équilibre entre ces deux valeurs. En même temps, à mes yeux, c’est aussi le tiraillement, la confrontation et ce qu’on en fait, qui rend certaines personnalités encore plus humaines, subtiles et intéressantes.
Quels sont vos plans pour la suite ?
Après une année pleine de belles opportunités et de projets personnels, je suis heureuse d’avoir l’opportunité de faire un stage en tant qu’assistante designer prêt-à-porter homme, section tailleur, cuir et denim chez Acne Studios, basé à Stockholm. Acne Studios est depuis longtemps une de mes marques de références, de par son rare positionnement entre art et industrie, mais aussi de par l’approche multidisciplinaire de Jonny Johansson et de l’esthétique aiguisée et contemporaine qui en découle.