La mode, à l’assaut des NFT
La sneaker NFT Gucci
Qui aurait cru investir dans une pièce mode ou un objet d’art entièrement virtuel ? Alors que la digitalisation prend le pas sur notre vie réelle et que le contact quasi charnel à une oeuvre se perd, les NFT s’enorgueillissent d’envahir l’industrie du luxe. Décryptage d’un phénomène prometteur, qui séduit de plus en plus.
Par Pauline Borgogno
En moins d’un an, les NFT sont devenus la nouvelle obsession des marques de luxe. BVLGARI, Gucci, Givenchy ou encore Louis Vuitton ont osé lancer leur propre NFT — ne sont pas les seuls du marché, et ne seront certainement pas les derniers à parier dessus. Derrière cette frénésie : la promesse d’acquérir une pièce unique, « certifiée virtuelle ».
Une brève histoire du NFT
Avec son anglicisme ténébreux, l’acronyme peut paraître de prime abord barbare. NFT est l’abréviation du terme Non Fongible Token, soit « jeton non fongible ». Si la traduction littérale ne vous dit rien, il s’agit plus simplement de titres de propriété numériques réputés inviolables et associés à un objet virtuel. En circulation depuis 2014, ces biens numériques uniques s’effectuent via des transactions financières en cryptomonnaie (parmi Bitcoin, Ethereum, Ripple ou Litecoin). Pour autant, c’est en 2020 que l’essor des NFT a réellement pris — tout d’abord sur le marché de l’art contemporain, et aujourd’hui dans l’industrie de luxe.
Une tendance dichotomique
Alors qu’une pièce physique peut être soumise à une reproduction sous forme de contrefaçon, les NFT proposent une oeuvre 100% digitale, garantie sans aucune possibilité de falsification. Grâce à ce nouveau procédé la notion de rareté prend tout son sens : qu’il s’agisse d’une image, une video, un gif, voire un code informatique, le token originel prend le caractère d’une œuvre d’art authentique et inviolable. Le grand catalyseur du phénomène NFT n’a été autre que le confinement, dopant la digitalisation de nos vies professionnelle et sociale. Alors que l’industrie du luxe traversait une crise sans pareil, les plus grandes marques y ont vu une brèche, pour le moins singulière et audacieuse. Par exemple, pouvoir acheter une pièce de collection puis la faire « porter » virtuellement par son acquéreur, jusqu’à son avatar dans le monde du gaming. Le vêtement est à nous, sur nous en image, sur notre alter ego dans nos jeux. L’essence même de l’habillement est de nous couvrir et pourtant — c’est un comble — jamais on ne le possèdera physiquement. Bienvenue dans la bascule du monde physique au monde digital, des réseaux sociaux aux jeux vidéos.
Un marché à suivre de près
Si certains spéculateurs pensent que le phénomène passera rapidement de mode, d’autres l’envisagent comme une petite révolution. Les plus grands groupes confirment d’ailleurs cette position en multipliant les expériences. Kering a été pionnier en pariant sur une commercialisation de produits digitaux avec la Maison Gucci — dont les sneakers Gucci Virtual 25 ont provoqué l’engouement avec leur prix attractif avoisinant les 13€. La griffe a depuis lors réitéré l’opération, s’essayant cette fois-ci à une pièce d’art numérique. LVMH n’a pas tardé à suivre son concurrent avec plusieurs Maisons : Rimowa et sa série Blueprints for the Metaverse, Louis Vuitton et ses 30 créations numériques à collectionner sur Louis: The Game, Guerlain et son exposition d’art contemporain Quand la matière devient art — inscrite au Parcours Privé de la FIAC —, BVLGARI et son projet psychédélique Serpenti Metamorphosis, ou plus récemment Givenchy avec ses 15 imprimés uniques en collaboration avec l’artiste Chito. De plus en plus, l’industrie propose la vente de ces NFT sous forme d’enchères et se donnent bonne conscience en reversant — pour une majorité — l’intégralité des fonds récoltés à des causes solidaires. Le monde numérique prend de plus en plus le pas dans nos vies, et les NFT se présentent comme les nouveaux vecteurs d’engagement auprès de la communauté des marques de luxe. Leur prédisant un bel avenir.