La Fondation Beyeler : paradis retrouvé

Niko Pirosmani, Nature morte Huile sur toile cirée, 100,5 x 136,7 cm Collection du Shalva Amiranashvili Museum of Fine Arts of Georgia, Musée national géorgien, Tbilissi © Infinitart Foundation

À moins de trois heures de train de Genève, la ville de Bâle se fait berceau de l’un des musées devenu parmi les plus célèbres au monde, reconnu à la fois pour la qualité exceptionnelle de ses expositions consacrées à l’art moderne et contemporain, mais aussi pour l’architecture de son bâtiment imaginée par Renzo Piano. Dans un cadre naturel idyllique où les arbres centenaires côtoient les étangs, l’art s’est ici offert un écrin d’exception qui attire chaque année des visiteurs venus du monde entier. En cette fin d’année 2023 et en ce début de 2024, la fondation propose au public de découvrir le travail du célèbre et énigmatique artiste géorgien Niko Pirosmani. Une excuse toute trouvée pour quitter Genève le temps d’une journée et s’évader à la Fondation Beyeler, paradis retrouvé des amoureux d’art et d’architecture. 

 

La Fondation Beyeler en été
Photo: Mark Niedermann

Un écrin signé Piano
Dans le tram qui mène à la Fondation, nous quittons peu à peu le centre-ville de Bâle, les immeubles laissant place aux champs, aux maisons de maître et arbres centenaires de Riehen. Et puis, en passant le portail de la Fondation, c’est dans un idylle que nous pénétrons. Tel un mirage, le bâtiment imaginé par Renzo Piano dans les années 1990 se dévoile à nous, entouré de roseaux, d’arbres et d’eau. C’est une première œuvre qui se présente à nous d’une certaine façon, une construction qui en elle-même suffirait à nous faire parcourir les kilomètres séparant Genève de Bâle. Située au sein du Berower Park, la Fondation créée par Ernst et Hildy Beyeler ne pouvait être bâtie que par le célèbre architecte italien, bâtisseur du Centre Pompidou à Paris, dont les créations fascinaient le couple de galeristes. Au cœur de ce projet, imaginé dans la commune de naissance d’Ernst, la nature se devait d’être préservée, célébrée, le musée s’intégrant dans son écrin de verdure. « Rendre accessible la Collection sur un seul niveau sans marche et aménager un bassin au sud devant le bâtiment, comme on le souhait, nécessitait d’abaisser le bâtiment entier. Cette structure créait d’une part une association harmonieuse entre la construction et le paysage et d’autre part, conférait au musée un caractère intime. On a utilisé pour les murs une pierre volcanique de Patagonie (porphyre) qui s’intègre dans le paysage comme si le bâtiment avait toujours existé » expliquent les membres de la Fondation. Depuis les différents espaces d’exposition, l’extérieur est toujours visible, offrant d’un côté une vue sur les bassins et les roseaux, nous faisant apercevoir les sculptures du parc, plongeant de l’autre notre regard vers les champs de blé et les pâtures, la forêt dense en toile de fond. La caractéristique principale de ce bâtiment réside sans aucun doute dans sa relation forte à la lumière naturelle. Les imposantes baies vitrées se font nombreuses, permettant à la fois d’observer le paysage tout en amenant sur les œuvres exposées une lumière naturelle valorisante. Un espace imposant qui se verra complété dans quelques années par un second bâtiment destiné à accueillir expositions et manifestations dans le parc, imaginé cette fois-ci par l’architecte Peter Zumthor.

Niko Pirosmani, Femme avec une chope de bière  Huile sur toile cirée, 112,6 x 90 cm Collection du Shalva Amiranashvili Museum of Fine Arts of Georgia, Musée national géorgien, Tbilissi © Infinitart Foundation

 

 

Légende secrète
L’écrin originel de lumière et de pierre accueille en cette fin d’année une exposition qui nous rappelle la qualité inhérente à la curation des expositions de la Fondation. Après Basquiat et ses toiles de Modène cet été, une rétrospective de Goya en 2021, ou plus récemment une exposition du travail de Doris Salcedo, les murs bâtis par Renzo Piano se voient parés des toiles de Niko Pirosmani (1862-1918). Ce nom ne sera familier qu’à une poignée de personnes, l’artiste géorgien précurseur de l’art moderne restant encore largement confidentiel. Véritable légende dans son pays d’origine, faisant pour ainsi dire l’objet de vénération de la part des amoureux de son travail, il reste une figure encore méconnue du public européen. L’exposition organisée à la Fondation Beyeler, en partenariat avec le Musée national géorgien de Tbilissi et le Louisiana Museum of Modern Art de Humlebæk (Danemark), est la plus importante lui ayant jamais été consacrée en dehors de son pays, rassemblant cinquante toiles de l’artiste. Le public est alors invité à pénétrer dans son monde peuplé d’humains et d’animaux toujours représentés en faisant usage de la même technique. Sur une toile cirée noire, l’artiste applique des traits de pinceaux à la fois précis et dynamiques, donnant vie à des êtres mystérieux et fantasmagoriques. Les réduisant au minimum, il n’en oublie cependant pas de faire preuve d’une grande sensibilité dans son travail qui compte également quelques paysages et natures mortes. Il inspire alors l’avant-garde par son approche radicale, son minimalisme dévoilant à celui qui prendra le temps de l’observer humour, allégories, et tendresse. Une exposition qui nous fait découvrir un artiste jusqu’alors trop peu connu de l’Histoire de l’Art, ses toiles venant côtoyer les paysages naturels qui entourent le musée.

Niko Pirosmani, Girafe Huile sur toile cirée, 137,4 x 111,7 cm Collection du Shalva Amiranashvili Museum of Fine Arts of Georgia, Musée national géorgien, Tbilissi © Infinitart Foundation

 

 

 

Niko Pirosmani
Jusqu’au 28 janvier 2024

Fondation Beyeler
Baselstrasse 101 CH-4125 Riehen / Bâle
www.fondationbeyeler.ch