Fin d’année sensationnelle au Pavillon ADC

© Andrew Tshabangu- Betty Tchomanga, Leçons de ténèbres

 

Le Pavillon ADC clôture l’année avec deux performances qui nous invitent à écouter notre imaginaire et à réactiver nos sens. Du 1er au 3 décembre, Betty Tchomanga convoquera les disparus, les ancêtres et les revenants dans Leçons de ténèbres, une chorégraphie fusionnant d’imaginaires et de croyances issues de cultures dominantes et dominées. Puis, du 13 au 15 décembre, c’est le monde du végétal qui sera invoqué par les danseuses de Earths, évoluant sur une scène recouverte de mousse verte. Une expérience multisensorielle puissante pensée par Louise Vanneste.

Leçons de ténèbres

 

Originellement un genre musical liturgique du XVIIe siècle qui met en musique Les Lamentations de Jérémie sur la destruction de Jérusalem, les Leçons de tenèbres de Betty Tchomanga pleurent, elles, la destruction écologique que nous vivons aujourd’hui. Durant ses recherches, l’artiste a été inspirée par plusieurs œuvres dont l’essai Une écologie décoloniale de Malcom Ferdinand où il propose d’aborder la question écologique en la mettant en lien direct avec l’histoire coloniale. Il fait apparaître la figure du navire et plus particulièrement celle du navire négrier comme une métaphore politique qui raconte une autre histoire du monde et de la Terre. La réalisatrice associe l’image du navire négrier au mythe de Mami Wata et le vaudou, où l’embarcation contient une possibilité de rencontres et de circulation de croyances, de pensées et d’imaginaires. Elle y ajoute la notion de transgression qui, selon elle, est une porte d’accès à l’invisible, plus particulièrement la transe. Intrinsèquement reliée au masque, au rythme et à la vibration elle a pu l’expérimenter lors d’une cérémonie Egungun à Ouidah, un culte des revenants qui s’est développé lorsque d’anciens esclaves sont revenus du Brésil sur leur terre d’origine. Ils incarnent les morts d’une famille mais aussi ceux qui sont morts pendant la traversée de l’océan Atlantique à l’époque de la traite. L’élaboration de la danse de cette pièce est marquée par l’énergie du « chest pop » issu du style Krump et basée sur des pratiques physiques et mentales telles que la méditation active Osho qui placent le corps dans une intensité physique ainsi que dans un rapport à la durée et la répétition. Quatre corps se feront les porte-voix d’histoires du monde et de la terre, trois adultes et un enfant, transcendés par une respiration qui les relie. Ils évolueront dans une scénographie au dispositif quadri frontal créant une friction entre l’espace circulaire des cérémonies vaudoues et la frontalité du théâtre occidental. 

© Caroline Lessire – Louise Vanneste, Earths

Earths

Selon l’ethnologue Charles Stepanoff, ce que l’on nomme voyage mental (pensées, rêves…) représente la moitié de notre vie car notre imagination est prospective, vivace, en mouvement constant. Elle permet une connexion emphatique et subjective avec ce qui est autre. Avec Earths, Louise Vanneste s’est plongée dans des tentatives de relations avec l’infrasensible. Elle y invite ses danseuses à se débarrasser d’une volonté de construction du mouvement au profit d’une écoute de l’imaginaire et de l’espace environnant à la recherche d’une gestuelle brute et intuitive. Le spectacle se déroule bi-frontalement, dans une salle merveilleusement éclairée par Arnaud Gernier, chargé aussi de la scénographie. Une scène, qui ressemble plus à un espace, recouvert de mousse verte, et qui dégage une odeur si particulière, qu’il nous immerge, dès l’ouverture des portes, dans un univers fantastique. Une fois installés, une vibration sonore prend possession des lieux et s’amplifie au fur à mesure, les danseuses prenant place une à une. C’est l’éveil du monde qui est représenté par les sons, les lumières et les mouvements intrinsèques des danseuses, provenant du plus profond de chacune d’entre elles, inspirés de la nature. Habituel complice de la chorégraphe, le compositeur Cédric Dambrain est à l’origine de la B.O électro-acoustique auxquels s’ajoutent d’autres sonorités brutes comme des bruits de marées, des battements de cœur, des murmures des danseuses. Aux rythmes des sons et de la lumière, les interprètes, vêtues de blanc, évoluent entre douceur et éclat soudain, une rythmique unique et singulière qui vous maintiendra en éveil. 

Leçons de Ténèbres, du jeudi 1er au samedi 3 décembre.

Earths, du mardi 13 au jeudi 15 décembre. 

Pavillon ADC, association pour la danse contemporaine, Place Sturm 1 — 1206 Genève, informations et réservations sur https://pavillon-adc.ch/#t