Electron : l’empire du soleil couchant

Pour son édition sweet sixteen (ça ne nous rajeunit pas !), Electron voit les choses en grand et en néons : habitué à se distinguer par des identités visuelles bien marquées, c’est cette fois carrément au sein d’un univers survolté que LE festival des musiques électroniques de Suisse nous convie. Et pour cause, l’inspiration graphique sort tout droit de Kabukicho, le fameux « quartier chaud » tokyoïte qui, à la nuit tombée, fourmille de clubs, bars, salles de jeux et autres lieux subversifs bondés, le tout sous les auspices électrisants, colorés et sans équivoque des milliers de tubes fluorescents qui les surplombent. Avec sa programmation éclectique regorgeant de pépites énergisantes, Electron a de quoi insuffler une bonne dose du dynamisme de sa muse 2019 à la Cité de Calvin, et résolument transformer son nocturne cœur battant – les Acacias – en véritable enclave de Shinjuku.  

C’est fort d’une sympathique mascotte ursine façon Kumamon et d’un credo sans ambages que le festival Electron envisage sa 16ème édition : « Replacer la culture de la nuit et de la fête au cœur de Genève ». On le sait, ladite culture a connu des temps pour le moins difficiles, mais semble renaître depuis quelques années en particulier par la revalorisation du PAV comme secteur noctambules friendly, ceux-ci ne boudant pas leur plaisir lorsqu’il s’agit d’aller s’enjailler à la Gravière, au Motel Campo, du côté du dernier-né Audio – l’enfant prodige ! ou encore lors des évènements ponctuels au Pavillon Sicli, notamment. On ne saurait sous-estimer à ce propos l’apport d’Electron qui, forcé de se réinventer l’an dernier pour cause de complications budgétaires, a pris le parti de se délocaliser du centre-ville en investissant les Acacias, popularisant le coin avec un joli succès à la clé. Le festival réitère l’expérience ce printemps en étendant encore son périmètre d’activité puisqu’en plus du triptyque du PAV et de l’historique Zoo, le petit dôme Sicli fera office de lieu central durant le second weekend de la manifestation et que la buvette de la Pointe sera the place to be le 4 mai. Ce sans compter les événements artistiques connexes, conférences et workshop au Commun, à l’HEPIA et à l’école CREA. 

Sama ©Roddy Bow

Sama ©Roddy Bow

Emblème bien trouvé pour réunir les couche-tard sous une même bannière, le lépidoptère nocturne qui ornait les affiches du festival en 2018 laisse la place à une iconographie réussie évoquant la foisonnante nuit tokyoïte telle qu’elle se déploie à Kabukicho. A travers l’image, le message, toujours, celui qui a pour ambition de faire briller la nuit et les plaisirs qu’elle est la plus à même d’offrir à ses loyaux partisans. Plaisirs qui se traduisent avant tout par la musique, bien entendu. Pour satisfaire les oreilles aiguisées de ses festivaliers, Electron – dont le programme a été annoncé à la manière d’un journal télévisé, et en japonais s’il vous plaît ! – invite comme à l’accoutumée quelques pontes, parmi lesquels Laurent Garnier (qui n’a pas joué à Genève depuis dix ans), l’orfèvre de la deep tech Recondite, le New-Yorkais chantre de la techno underground Function, ou la singulière et percutante Maya Jane Coles. Au moins tout aussi réjouissants, les deux vendredis du festival proposent une programmation thématique prometteuse (et avec un pass à 20 CHF pour la soirée, valable pour tous les clubs). Ainsi, le 26 avril réunit sous le label « First Time, First Class » une ribambelle d’artistes dont il s’agit du premier passage à Genève. On attend tout particulièrement le set de SAMA’, DJ palestinienne de Ramallah qui envoie une techno complexe sans transiger sur l’efficacité, flirtant volontiers avec des percussions tribales. Le 3 mai, la part belle est donnée aux labels et consorts qui dessinent les contours de la musique électronique contemporaine avec l’appellation « Labels de nuit ». A cette occasion, chaque lieu s’acoquinera avec un genre musical et des icônes idoines : techno avec le label berlinois Tresor à Audio ; house et disco avec le collectif queer Honey Soundsystem et Octo Octa à la Gravière ; kuduro et baile funk au Motel Campo avec le label portugais Principe et Dj Nervoso ; UK techno au Zoo avec le label Whities et son fer de lance Nic Tasker. 

A noter enfin que dans une volonté de rassembler son public, le festival propose plusieurs activités gratuites : une exposition (les installations immersives du studio genevois SIGMASIX), les soirées du jeudi à Audio et à la Gravière, l’espace Sicli pour une ambiance passant graduellement de chill à plus cadencée, le spectacle de danse de la compagnie BudGE et « Cocon », la chambre anéchoïque sise à l’HEPIA (sur inscription). « La chambre quoi ?!». Anéchoïque, soit une chambre sourde. L’occasion unique d’écouter le silence, au point de n’entendre plus que son propre sang faire son chemin dans ses veines… Une expérience d’autant plus déroutante lorsque savourée entre deux bonnes doses de frénésie servies par Electron.

Electron Festival
Du 25 avril au 5 mai
Divers lieux
www.electronfestival.ch