Culture is future !

Vue du Musée d’Art et d’Histoire ©MAH

La culture. L’une des grandes victimes collatérales de ce COVID19. Au même titre que la nourriture, elle est un bien de première nécessité. Que ferions-nous sans concerts, spectacles, danses, cinémas, conférences, workshop…? Durant le confinement, l’un des enjeux pour ses pourvoyeurs de victuaille cérébrale aura été de réussir à maintenir un lien avec le public. A travers une cascade d’offres numériques, la culture en ligne n’a jamais eu autant de succès. Du Musée d’Art et d’Histoire à la Fondation Baur en passant par l’Ariana, chacun découvre qu’il est désormais possible d’avoir accès à des expositions qu’on visite aisément virtuellement sans bouger de son domicile. Les concerts également comme l’Orchestre de la Suisse Romande (OSR) ou les Bains en Résistance se déplacent également jusqu’à votre salon. Bien qu’aussi créatives qu’audacieuses, ces initiatives ne remplaceront jamais l’effervescence physique et optique d’un opéra ou d’une salle de cinéma, mais elles font aujourd’hui la démonstration de leur utilité, de leur intérêt et de surtout leur capacité à toucher un large public. Le Covid-19 a engendré une disruption du monde de la culture et bien qu’il soit encore un peu tôt, on s’est demandé comment repenser le futur de la culture à l’aune de cette crise. A l’aube de sa troisième législature, Sami Kanaan, en charge du département de la Culture de la Ville de Genève nous donne quelques pistes. Extraits.  

En temps que responsable du Département de la Culture de la Ville de Genève, comment envisagez-vous le futur de la culture dans un monde dont fait désormais partie le Covid-19 ? 

Effectivement le Covid-19 nous a marqué dans tous les secteurs de la société. Il s’agit d’une crise violente et le secteur culturel est le premier ayant du fermer toutes ses activités et c’est probablement le dernier qui pourra reprendre normalement. Je crois qu’on a toutes et tous besoin de travailler ensemble pour réinventer ce futur. On sait à quel point la culture va rester, elle est fondamentale pour le vivre ensemble, pour le sens collectif.  Alors comme souvent les acteurs culturels et les artistes se sont montrés très inventifs, et dans un premier temps il a fallu assurer un soutien matériel et organisationnel. Ils étaient dans le désarroi et en même temps ils ont réagi, ils ont essayé d’exister malgré tout. Il faut en faire une opportunité. Moi, je félicite les artistes et leur aptitude à s’adapter. Il va falloir les soutenir sur tous les plans. Donc essayer de positiver à la fois pour eux-mêmes et pour nous toutes et tous. Nous évoluons dans une contexte particulier à la fois de difficultés, de problèmes, mais aussi de grande créativité. 

 

Le Musée d’Art et d’Histoire (MAH) a mis en place le projet « MAH chez vous » pendant la fermeture des institutions, comment ce projet a-t-il été reçu ? A-t-il permis de maintenir un lien entre le public et le musée ? 

Le projet MAH chez vous a été un très bel exemple de ce que beaucoup de musées d’ailleurs ont pu proposer de très innovant. Les équipes ont réagi au quart de tour. Dans certains cas ce sont des projets qui existaient déjà et qui ont été amplifié, dans d’autres cas comme celui-ci, le fait de pouvoir avoir une oeuvre majeure, par exemple un Hodler, chez soi, à la maison, numériquement parlant, a séduit beaucoup de monde. Effectivement, c’est une manière aussi d’amener les oeuvres connues chez les gens qui n’auraient pas eu le réflexe de venir au musée. Donc je pense que c’est un exemple d’action qui pourrait perdurer au-delà de la crise, parce que quelque part on crée des liens qu’on n’avait pas forcément avant.

Sami Kanaan © Sandra Pointet – Ville de Genève

Quels sont les nouveaux enjeux du domaine culturel ? Pensez-vous que cette période de pause va pousser les institutions à s’ouvrir d’avantage au numérique et aux projets où le visiteur est aussi acteur à distance ? 

Effectivement, au-delà de la gestion des problèmes concrets, je pense aussi beaucoup aux intermittents du spectacle, aux arts vivants, le théâtre, la danse, qui se posent beaucoup de questions sur comment exister avec cette crise. Mais de manière générale c’est vrai que les artistes et les acteurs culturels sont tellement innovants et créatifs, ce qui est génial car ils ont su rebondir sur le numérique. Maintenant évidemment que tout ne peut pas devenir digital! Rien ne remplace un concert en live, un spectacle de théâtre, de danse où le public et les artistes ont un contact, mais le numérique va être un outil de diffusion, de promotion. Après, il y a un autre aspect, économique. Déjà qu’ils ne sont pas souvent bien rémunérés en temps normal, sur la toile les artistes ne sont pas ou peu payés. Mais c’est vrai que les institutions patrimoniales ont donné l’exemple et j’aimerais qu’on tire le positif de cette crise, qu’on puisse rouvrir au public bien sûr les salles et les musées, mais que parallèlement on puisse poursuivre cet élan de créativité, et qu’on fasse de cette crise une opportunité aussi. Qu’on réinvente peut-être aussi certaines formes, d’aller dans l’espace public, d’aller chez les gens à domicile, et ainsi conquérir de nouveaux publics. 

 

La culture a toujours été perçue comme un refuge, peut-on imaginer qu’une fois cette période de crise dépassée ses différentes institutions vont connaitre un nouvel engouement de la part du public ? 

Je pense que oui, et déjà pendant la crise si on regarde par exemple l’Orchestre de Suisse Romande (OSR) qui a proposé des concerts où chaque musicien et musicienne était chez lui et ont joué ensemble. Ce qui a crée des liens très forts. Durement le confinement, on sent que les gens avaient plus que jamais envie de culture, dans toutes ses variantes, et ça va revenir très fort. Je crois que la culture est quand même ce qui nous donne un supplément de sens collectif, ce qui est absolument vital. D’ailleurs le premier réflexe des gens quand les magasins ont rouvert a été d’aller dans les librairies pour acheter des livres. Donc, je pense qu’effectivement plus que jamais on a besoin d’une offre culturelle riche et diversifiée.