Crise vestimentaire : entre confort et nostalgie

@buuski porte les Shearling Sleepers dans la couleur Lemon de la marque ukrainienne ©Sleeper

La période de crise sanitaire que nous traversons – encore et toujours – nous en a appris beaucoup sur nous-mêmes, et sur le monde. Parfois dans de grands chamboulements qui nous ont réveillés – et si on arrêtait de polluer un peu ? – et parfois dans de plus petits détails de notre quotidien qui se sont avérés bien plus présents qu’on aurait pu le penser. Le monde de la mode a lui aussi été modifié et s’est retrouvé forcé de s’adapter à de nouvelles habitudes de consommation, mais aussi à un nouveau rythme, enfin moins effréné. Mais la mode ce ne sont pas que les grands designers, Paris, et Milan. C’est aussi l’individu, celui qui s’habille chaque matin, choisi ses vêtements, pour lui, parfois sans se soucier des tendances, et qui cette dernière année a été légèrement perturbé, pour rester sobre. Entre apologie du survêtement et deuil de nos tenues de soirées, retour sur une étrange année dans nos garde-robes.  

 

Loungewear adoré 

Il est facile d’oublier à quel point la mode a son importance dans notre quotidien. Le simple fait de se lever le matin et de quitter notre douillet et parfois honteux pyjama pour une tenue réfléchie et aiguisée, donne un rythme à nos journées, les compartimentant entre boulot et dodo. Mais la marée du télé-travail qui a déferlé avec l’arrivée du Covid-19 a changé nos habitudes et quelque peu brouillé les limites. Presque un an après le début de la crise en Europe, la tendance des grandes marques mais aussi des enseignes plus abordables ne lâche pas ce filon du vêtement décontracté devenu précieux. Sur les sites internet des géants du prêt-à-porter, les sections loungewear, littéralement « vêtement de détente », ou encore pyjamas, ont doublé de volume, répondant à des attentes bien réelles alors que nos maisons étaient devenues nos uniques chez nous. Plus la peine de se donner de la peine le matin au réveil, il suffisait de quitter le pyjama pour enfiler le bel ensemble en maille au confort incomparable. L’apologie du vêtement d’intérieur était alors née. Les influencers inondaient nos réseaux sociaux d’ensembles à tomber, mettant en avant une esthétique nouvelle, loin des cafés et des boîtes de nuit, mais bel et bien ancrée sur les canapés et les lits toujours défaits en pleine après-midi. 

Des marques à l’image de Sleeper, une jeune enseigne née à Kiev, imaginée par deux éditrices de magazines de mode, Kate Zubarevia et Aysa Varetsa, ont alors surfé sur cette vague du restez chez vous. L’idée derrière ce label ? Créer une collection où les vêtements de jour et de nuit se confondraient dans un style à la fois cool et élégant. Succès indéniable, la marque a encore plus séduit durant cette année où le confort s’est révélé être le mot clef pour vivre cette étrange période au mieux. Des ensembles élégants, des robes fluides, et une touche de glamour, Sleeper a su attirer une clientèle séduite par une qualité à prix abordable, et une esthétique résolument dans l’air du temps, mettant le confort à l’honneur. De nombreux labels ont attiré tous les regards, et cartes de crédit par la même occasion, faisant de cette triste année une aubaine pour certains. Nous pensons à des marques telle qu’Eberjey dont toutes les pièces sont faites en jersey et idéales pour passer du lit au canapé en évitant la case dressing. Mais aussi Honna London, qui nous rappelle un chic ancien, celui du pyjama classique, à la coupe indémodable, au coton léger, et aux rayures résolument vintage. On notera encore une petite dernière venue d’Australie qui nous plait pour son élégance que l’on s’étonne d’être dédiée au seul cadre privé, Papinelle. Ses pyjamas en soie pure, mais aussi ses pantalons d’intérieur en coton biologique, sauront séduire les amoureuses de belles matières qui ne rêvent que d’une chose, apporter une indéniable touche d’élégance et de classe à leurs journées passées à la maison, tout en restant loin de leur dressing.  

Le pyjama « Striped Sizeless » de la marque ©Sleeper

Le loungewear semble alors être l’emblème de cette étrange époque. Des publications à l’image de Vogue ont fait l’apologie du pyjama, nous listant les meilleures marques spécialisées dans le loungewear, et nous incitant à ne pas quitter notre douillet canapé pour faire une nouvelle razzia sur les pantalons en maille et les pulls en laine d’alpaga. Même Prada s’y met, avec lors de son dernier défilé Homme en janvier dernier une collection principalement constituée de vêtements d’intérieur, aux allures de pyjama pour enfant. Des combinaisons jacquards au confort sans pareil qui ne nous donnent qu’une seule envie : ne plus quitter notre canapé. Même Miuccia et Raf ne semblent plus vouloir s’habiller pour sortir et ré-imaginent la marque emblématique entre quatre murs. 

Alors est-ce que l’année 2020 fut l’année du pyjama ? Nous avons envie de répondre oui, fouillant notre mémoire des derniers mois, et revoyant toutes nos journées de télé-travail où faire un effort vestimentaire était juste trop demander. La vie est assez difficile comme ça ces temps-ci, s’apprêter reste la dernière de nos priorités, et alors que 2021 est rempli d’espoir, le pyjama n’a pas encore dit son dernier mot. Et pourtant, une certaine nostalgie semble s’échapper de nos armoires délaissées…

Nostalgie vestimentaire

Notre confort, on l’adore. Notre pantalon tout douillet, notre sweat à capuche molletonné, nous n’avons pas envie de les quitter. Mais alors que la crise sanitaire nous empêche d’en voir la fin, et que le télé-travail reste pratiqué par une grande partie de la population mondiale, un ras-le-bol aussi bien moral que vestimentaire s’installe. Le pyjama devient informe, le survêtement insupportable, et dans ces vêtements devenus trop confortables nous finissons par perdre tous nos repères et toutes nos envies. Les fêtes de fin d’année ont certainement sonné le glas de ces longs mois de relâche, nous motivant à ressortir robes, talons et costards, même si Noël ou Nouvel An ne se fêtaient parfois qu’à deux cette année. Et comme toujours, l’arrivée du 1er janvier nous a tous plongé de cette horrible idée qu’une nouvelle année se doit de commencer sur les chapeaux de roue, résolutions par millier et motivation au maximum. 

©Papinelle

Mais le jour de l’an n’avait pas la même saveur cette année, et si l’on s’accorde plus de latitude, si l’on a fini par accepter que durant cette période, toute pression supplémentaire que l’on s’infligerait à soi-même serait malsaine, nous avons ressenti un désir général de glamour et de normalité, déjà à l’échelle de nos placards. Les soldes de début d’année ont pointé le bout de leur nez, alors que les nouvelles collections annonçant le printemps fleurissent dans les grandes enseignes, et s’étalent sans vergogne sur les réseaux sociaux. Bien sûr, les sets de loungewear sont encore présents, nous narguant par leur confort incomparable, nous rappelant une réalité déjà difficile à oublier. Mais les tenues plus légères, les imprimés printaniers, la disparition des doudounes et des bottes laissant place aux mocassins et aux trench coats légers, nous donne des envies d’évasion. Nous ne parlons pas de grand départ non, mais juste d’un changement de placard, du passage du pyjama informe au pantalon bien coupé. La mode est souvent relayée au rang de futile et d’inconséquente dans notre société moderne, mais en regardant de plus près nous réalisons que celle-ci fait bien plus que nous vêtir. Elle s’adapte à la réalité, et par ses changements, par ses tendances, impact notre quotidien d’une manière difficile à réaliser jusqu’à ce qu’on prenne le recul nécessaire. En cette drôle de rentrée, elle nous a rappelé que la vie était encore en pause, que les sets de vêtements d’intérieur ne seraient pas encore relégués au fond de nos placards. Mais à travers une veste légère qui symbolise en toute simplicité le changement des saisons et le temps qui passe, elle parvient aussi à nous donner un peu d’espoir, et à nous faire regarder avec nostalgie vers tous ces matins où s’habiller était une corvée. Aujourd’hui bien installés dans nos pantalons en maille et pull douillet, qu’est-ce qu’on ne donnerait pas pour retrouver ce temps passé…