Carnage en vagabondage
Entre une balade dominicale ou un rapide passage à vélo à travers le parc Trembley, vous vous êtes sûrement arrêtés pour admirer la magnifique réplique du théâtre du Globe plantée dans les hauteurs du parc. La version plus menue du théâtre shakespearien n’est autre que l’emblème de la Tour VagabondeThéâtre Festival, laquelle a quitté ses beaux quartiers de Fribourg pour une halte de trois spectacles à Genève. Après Les Précieuses ridicules de Molière et L’île des esclaves de Marivaux, c’est un autre classique qui nous est présenté. En effet, la scène élisabéthaine accueillera la célèbre pièce Le Dieu du carnage de Yasmina Reza, du 4 au 20 juin, mise en scène par le GenevoisGeorges Guerreiro. Clôture du festival donc, toute en joutes verbales et en rixes lyriques pour les quatre comédiens de ce « carnage » burlesque.
De l’enfant à l’adulte
Alors que le festival s’inscrit dans un projet pédagogique en proposant aux étudiants du secondaire I et II de découvrir trois œuvres classiques à portée contemporaine, l’œuvre de Yasmina Reza commence ironiquement par un conflit entre deux enfants (l’un a cassé les dents de l’autre en lui donnant un coup de bâton) qui amène leurs parents à discuter diplomatiquement des conséquences de ce litige. Conséquences qui vont se décupler, car «Le Dieu du carnage» sème la zizanie auprès des deux couples et les pousse rapidement à se battre sur le ring de la raison. Les masques tombent: d’une part, Véronique et Michel Houillé et, d’autre part, Annette et Alain Reille. Les quatre personnages oublient les préceptes du début de la pièce inculqués à leurs enfants pour faire fi de la bienséance et pour se livrer à une cynique et violente guerre verbale (voire physique par moments) les uns contre les autres.
De L’Orangerie à la Tour vagabonde
Georges Guerreiro a enclenché, pour la première fois, la machine infernale de ce huis-clos en 2016 au Théâtre de l’Orangerie et, suite à une tournée réussie, propose une session de rattrapage à la Tour Vagabonde. Les célébrités hollywoodiennes de la version de 2011 de Polanski ne font pas d’ombre au casting genevois cinq étoiles de Guerreiro; à savoir Marie Druc, Carine Barbey, Vincent Bonillo et Valentin Rossier. Des costumes, aux expressions ou à leur verve, chaque personnage est singulièrement identifiable et rendu, par la même occasion, drôlement détestable par son interprète. Cette tragicomédie, dont l’ingéniosité se trouve dans le fait que les parents se retrouvent plus infantiles que les enfants, offre une réelle réflexion sur nos mœurs sociales et civiles, parfois plus prêchées qu’appliquées. Le décor sobre met en exergue la résonance des mots, des silences et des dégâts causés par ce dieu ravageur de la pulsion. Le pathos ne retombera pourtant pas, car il s’agit d’une farce et l’humour subtil de la situation, affûté au sarcasme des différents personnages, vous permettra d’aller vous coucher en ayant passé une bonne soirée. Si vous voulez poursuivre les réjouissances, des DJ sets seront organisés au sein même de la Tour Vagabonde les 8 et 15 juin. Après le Dieu du carnage, pourquoi ne pas invoquer le Dieu de la danse pour un peu de répit ?
Du 4 du 20 juin
Tour Vagabonde Théâtre Festival
Parc Trembley – 1202 Genève
www.tour-vagabonde-festival.ch