Bouffée d’air culturel

On l’attendait cette bouffée d’air culturel ; comme Vladimir et Estragon nous attendions, attendions tout en remettant notre vie et notre société en question. Cependant, contrairement à l’immobilité passive des protagonistes de Beckett, nous avons assez attendu et l’heure est enfin venue de s’(é)-mouvoir. Alors que la plupart des festivals estivales de musique et de théâtre ont été contraints d’annuler leur saison 2020, le Parc La Grange nous ouvre, presque miraculeusement, les portes du Théâtre de l’Orangerie où toute l’équipe se prépare à nous accueillir les bras ouverts, ou plutôt un masque à la main, à distance mesurée. Qu’à cela ne tienne, malgré l’annonce de dernière minute, la programmation de la saison 2020 du TO est on ne peut plus peaufinée, variée et riche en culture pour notre plus grand plaisir. Au programme : des pièces et spectacles pour petits et grands, des expositions, des concerts et une buvette végétale qui n’attendent que vous, alors comme dirait l’autre « Allons-y ! »

Souffle de renouveau

Pour sa troisième année de direction Andrea Novicov continue de prôner des projets foncièrement reliés aux problématiques actuelles. Les sept pièces de théâtre proposées début juillet jusqu’à fin septembre tenteront de mettre à l’honneur la nature et l’environnement de l’être humain. Un raisonnement qui résonne fortement à la sortie du confinement durant lequel la nature avait repris ses droits. La célèbre Tempête de William Shakespeare viendra sonner la cloche et secouer l’étang de l’Orangerie sur une création de Sandra Amodio. La mise en scène rendra vie au despotique Prospero, devenu maître de l’île et ses esprits sur laquelle il a échoué avec sa fille. Un autre classique sera revisité avec la figure d’Hélène de Troie, dans le spectacle Opα. La danseuse grecque Mélina Martin déconstruira l’image de la belle Hélène avec humour et poésie.

Opa, de et par Mélina Martin, en partenariat avec la Sélection suisse en Avignon

À l’heure du souvenir, le collectif BPM nous plongera dans la problématique de l’obsolescence programmée en immergeant, à l’aide de courtes pièces, dans un passé d’objets nostalgiques. À la suite des objets nostalgiques, Andrea Novicov nous présentera Du ciel tombaient des animaux, abordant la réunion de quatre femmes septuagénaires se retrouvant pour parler, digresser et nous faire rire (parce que rire c’est bon pour la santé !). On se réjouit notamment, de retrouver la magistrale Yvette Théraulaz dans cette comédie de Caryl Churchill. Les prestations des talentueuses Amélie Chérubin Soulières et Aïda Diop, l’une incarnera un village alors que l’autre personnifiera un orchestre avec ses percussions, seront également à ne pas manquer lors de l’adaptation du roman de Jacques Roumain, Gouverneurs de la rosée, fin août. La saison 2020 se clôturera avec un projet en partenariat avec le Festival de la Bâtie pour un spectacle dont le titre est aussi intriguant qu’original, Histoires sans gloire et pratiquement sans péril pour 4 voix sur pente raide. Puis, l’Orangerie accueillera mi-septembre le premier épisode d’une série (de neuf épisodes) au théâtre en coproduction avec douze théâtres genevois. Un projet collaboratif dont on salue l’initiative et pour lequel on a hâte de découvrir les différents personnages loufoques pour qui la fin du monde paraît encore plus proche que la nôtre.

La Tempête, William Shakespeare. Mise en scène Sandra Amodio © Johan Perruchoud

Inspirations du jardin

Le jeune public sera également gâté lors de cette saison avec cinq spectacles leur étant dédiés. Autant interactives, ludiques, poétiques que contemporaines, ces performances donneront la parole aux enfants, aux oiseaux, aux fleurs, aux minuscules et à une Blanche-Neige devenue garçon. Adressés aux enfants, mais pas que, ces cinq pièces nous permettrons de renouer avec notre imaginaire et de nous inventer un avenir plus en paix avec notre environnement. Puisque la musique adoucit les mœurs, une quinzaine de concerts viendra égayer nos soirées cet été. Les cordes pincées du guembri d’Anouar Baouna, le saz chantant de Derya Yildirim ou encore la voix soul de Mélissa Bon nous feront voyager autour du monde sans décoller les pieds de la piste de danse de l’Orangerie. Pour conclure, diverses expositions viendront s’ajouter organiquement à la programmation du TO où nos sens et émotions seront stimulés entre un verre de bière locale et un met végétal concocté avec les herbes et fleurs comestibles du potager, provenant de la buvette du TO fraîchement repensée. À défaut de ne pas savoir ce que l’avenir de notre planète nous réserve, heureusement qu’il nous reste le jardin de l’Orangerie pour s’évader et se figurer un lendemain prometteur d’un vent nouveau.

Histoires sans gloire et pratiquement sans péril pour 4 voix sur pente raide, Collectif Moitié Moitié Moitié. En partenariat avec La Bâtie – Festival de Genève © Sébastien Monachon


Contributrice de la rubrique théâtre


De juillet à septembre 2020

Théâtre de l’Orangerie

Parc La Grange, Quai Gustave-Ador 66B, 1207 Genève

+41 22 700 93 63

www.theatreorangerie.ch

Contributrice de la rubrique théâtre