Biennale de Helsinki : entre art et nature

L’île de Vallisaari sur laquelle se déroule une partie de la Biennale de Helsinki ©Matti Pyykko

Avec une riche histoire en architecture et en design, Helsinki sort son mikado du jeu avec cette seconde édition d’une Biennale d’art débutée en juin dernier. Il faut dire que la première version en 2021 n’avait pas pu avoir l’écho mondial mérité vue la situation sanitaire du moment. Libre daccès à tous, la manifestation intitulée – « De nouvelles directions peuvent émerger » (New Directions May Emerge) – permet de mettre en lumière l’art contemporain finlandais encore peu connu. 29 artistes ou collectifs établis et émergents sont exposés en majorité sur l’île de Vallisaari, à quelques minutes en ferry. Le cadre insulaire riche en biodiversité dévoile un environnement unique et immersif pour découvrir l’art, offrant un contraste intéressant avec les espaces de galerie traditionnels fermés. 

Extraits d’une Biennale à travers des sculptures impressionnantes, des installations époustouflantes et des performances captivantes.

La ville d’Helsinki offre des virées en ferry vers une gamme de paysages aquatiques époustouflants. Il était donc peu surprenant qu’une biennale ici profite de cet environnement. Ainsi, on a embarqué pour l’une des 328 îles qui font partie de l’archipel de la capitale finlandaise: Vallisaari. Autrefois une communauté de 300 personnes y prospérait, le dernier de ses habitants est parti en 1996, plongeant l’île dans un sommeil, et à son tour, ses prairies et ses bosquets dans une nature sauvage presque parfaite : toujours l’un des écosystèmes les plus diversifiés de l’archipel. Elle devient plus tard une base militaire russe avec certains des bâtiments de l’armée encore intacts. En 1808, la Russie capture la Finlande et construit une forteresse sur l’île pour garder son nouveau territoire. Puis en 1917, le pays déclare son indépendance. 

L’île de Vallisaari sur laquelle se déroule une partie de la Biennale de Helsinki ©Matti Pyykko

À 20 minutes en bateau de la place centrale du marché d’Helsinki, l’île constitue un cadre artistique évocateur avec des bâtiments militaires, des tunnels et des magasins de munitions enveloppés d’une végétation profonde, servant de toiles de fond sombres et théâtrales pour les installations, tandis que les sentiers naturels et les étangs sont des décors appropriés. pour les expositions extérieures. Nommé le pays le plus heureux du monde pour la sixième année consécutive, On s’est demandé si sa deuxième édition de foire d’art contemporain y présentait les travaux d’artistes torturés. Ici, la biennale comprend des œuvres de 29 artistes et collectifs d’artistes et tire son titre, New Directions May Emerge, d’une citation de l’anthropologue américaine Anna Lowenhaupt Tsing qui a déclaré : « Au fur et à mesure que la contamination modifie les projets de création de mondes, des mondes mutuels – et de nouvelles directions – peuvent émerger. » Elle suggère que nous devrions apprendre en «remarquant» les autres personnes, les animaux, les plantes, les environnements pour trouver de nouvelles façons de vivre et de comprendre le monde.

La curatrice de la Biennale de Helsinki : Joasia Krysa

La manifestation se penche sur les enjeux liés à la crise climatique. Cette deuxième édition est chapeautée par Joasia Krysa, d’origine polonaise (anciennement directrice artistique du Kunsthal Aarhus, Danemark) et produite par le Musée d’art d’Helsinki (HAM). Environ 50 % du travail des artistes et collectifs sont de nouvelles commandes et des œuvres in situ. Bien que les thèmes soient sérieux, notamment les dommages environnementaux, les conflits politiques et l’impact de la technologie, les œuvres sont engageantes sans être trop didactiques. Sur les 15 œuvres d’art de l’île de Vallisaari, certaines se trouvent dans les caves à poudre historiques russes en pierre, d’autres à l’extérieur. Une grande partie de l’art est ancrée dans la nature, comme « The End of Imagination », les sculptures énigmatiques d’Adrian Villar Rojas, qui s’inspirent des nids de l’oiseau hornero argentin, cachés au milieu des arbres, des rochers et des bâtiments de l’île. Dispersés autour de l’île, ils inspirent une situation de chasse au trésor.

The-End-of-Imagination d’Adrian Villar Rojas

Les cruches d’Asunción Molinos Gordo

Puis, autre thématique récurrente: l’eau. Ainsi, on  découvre l’artiste espagnol Asunción Molinos Gordo qui présente un assemblage de poterie à eau comprenant pichets, cruches, gourdes, bassines qui ne sont plus utilisées. Son oeuvre tire son nom du poème d’Octavio Paz de 1958, « El cántaro roto » (La cruche cassée) et questionne le mythe du progrès toujours d’actualité aujourd’hui où l’eau, un droit humain fondamental, est échangée à Wall Street. Dans une autre cave, « Pond Brain » de l’artiste finlandaise Jenna Sutela invite les visiteurs à le frotter un bol en bronze rempli d’eau avec la forme de la tête de l’artiste à l’intérieur, pour le « faire chanter ». Puis, dans « Sanctuary Mist », les artistes basés à Helsinki Sasha Huber et Petri Saarikko créent une brume mystérieuse au-dessus de la surface d’un étang creusé par les Russes pour l’eau potable. Le cadre idyllique dément les dangers potentiels d’armes qui se trouvent dans l’étang.

Songs to Earth, Songs to Seeds de l’artiste Sepideh Rahaa

Autre point culminant, l’installation « Songs to Earth, Songs to Seeds »  de l’artiste Sepideh Rahaa qui présente un film multicanal magnifiquement tourné consacré à la culture du riz dans les rizières de Mazandaran dans le nord de l’Iran – une tâche effectuée presque toute l’année par des femmes qui chantent des chansons plaintives sur leurs luttes pendant                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                qu’elles travaillent. Mélancolique et poétique, il aborde les questions du patrimoine immatériel, de la sécurité alimentaire et de l’importance de la communauté et de la géopolitique – ces riziculteurs générationnels sont contraints d’utiliser des engrais toxiques en raison des sanctions internationales contre l’Iran. Quant à l’artiste finlandaise Tuula Närhinen, elle a créé l’une des pièces les plus prémonitoires de la biennale, The Plastic Horizon (2019-23), composée de débris plastiques tels que des jouets, des bouchons de bouteilles et des tubes plastifiés utilisés dans les opérations minières et de dynamitage des chantiers de construction, collectés au fil des ans depuis les plages d’Helsinki. dans 

The Plastic Horizon de Tuula Närhinen

Dans son film Oikos, l’artiste Sami Matti Aikio se penche lui sur les questions autochtones. Les rennes, le paysage gelé de la Laponie et la musique d’ambiance mettent en lumière les conflits autour de l’utilisation des ressources naturelles, de la conservation de la nature et de la production d’énergie. Il fait l’observation astucieuse que « nous semblons ignorer le fait qu’il n’y a pas assez de minéraux pour même une génération de voitures électriques à l’échelle mondiale. La société moderne détruit les écosystèmes sur les terres indigènes au nom des gains économiques et de l’énergie sans fossiles. »

Ces questions de durabilité sont vraiment au centre de cette biennale. D’ailleurs, un coordinateur environnemental a été engagé. Son travail consiste à s’assurer que la biodiversité de Vallisaari n’est pas compromise. Il faut savoir que l’île abrite plus de 100 espèces de papillons en voie de disparition ou quasi menacées, et de grandes étendues restent interdites. À elle seule l’île et Helsinki valent le détour. La visite de la biennale offre l’excuse parfaite pour y venir. Pour les autres prétextes, on vous prépare un autre article dessus. Tenez-vous prêt à tomber dans les filets de marin au chant ulyssien de la Ville Blanche du Nord : Helsinki. 

Biennale de Helsinki
Vallisaari, Helsinki, Finlande
https://helsinkibiennaali.fi/