ART BASEL

L’édition 2019 de la messe d’art contemporain s’est terminée il y a peu et a abordé de manière frontale des sujets s’inscrivant dans la lignée des mouvements sociaux récents comme #metoo et Time’s up. Les quelques 290 exposants ont rassemblé les habitués mais également un bon nombre de nouvelles galeries. Ce marché lucratif arrive pourtantgentiment à saturation. La section Unlimited a pour sa part glorifié le gigantisme avec untotal de 75 œuvres monumentales.

Actualité brulante

Un nombre conséquent d’œuvres a pris cette année comme thématique des événements sociaux-politiques. L’artiste américaine Andrea Bowers a par exemple soulevé bien des commentaires avec son installation intitulée Open Secret qui a été présentée dans la sectionUnlimited. Une allée d’une quinzaine de mètres tapis-sée de rouges feuillets juxtaposait les noms et le profildes auteurs accusés de harcèlement et d’agressions sexuelles. La confrontation entre les excuses des uns et les réfutations des autres couplée à leur nombre consé- quent suscite une prise de conscience glaçante. Bien queles profils soient majoritairement masculins, quelquesfemmes sont mentionnées çà et là et rappellent que les transgressions ne sont pas uniquement commises par une seule tranche de la population. Si les mouvements comme #metoo et Time’s up ont assurément aidé à libérer la parole des victimes, l’artiste relève pourtant que monter une telle exposition n’a pas été chose ai-sée. L’événement attire en effet de riches et influentsacheteurs qui pour la plupart connaissent les célébrités citées dans l’installation, qu’il s’agisse de Bill Clintonpour l’affaire Monica Levinski, Donald Trump dont lesdérapages sont relativement permanents et d’autres pontes des médias et du divertissement.

L’artiste cubano-américaine Coco Fusco a également misé sur Trump avec une sculpture intitulée Tin Man ofthe Twenty-First Century (l’homme de fer-blanc du XXIe siècle) qui présente le Magicien d’Oz sous les traits duprésident des États-Unis. L’œuvre propose une réflexion sur deux des figures les plus abordées en Amérique.L’édition de cette année a aussi permis de rameuter en masse de jeunes artistes telle que l’artiste canadienne d’origine tanzanienne Kapwani Kiwanga qui s’intéresse à l’histoire coloniale en Afrique et la manière dont on la représente. L’artiste angolaise Kiluanji Kia Henda l’a rejoint dans cette démarche.

Tarabiscoté

La jeune génération a également permis d’introduire de nouveaux mediums. L’artiste Lawrence Lek a ainsi utilisé de la réalité virtuelle dans son installation Nøtelpour permettre au spectateur de rentrer dans des hô- tels de luxe virtuels au moyen d’un casque de réalité augmentée. Pas aussi jeune, mais avec un projet tout aussi novateur, Carsten Höller nous a introduit à sa conception particulière du temps avec Decimal Clock (white and pink). Cette horloge qui sonne 10 heures, 100 minutes et 100 secondes nous remémore que la per- ception du temps et son calcul sont soumis à variation et n’ont été harmonisés que très récemment. L’œuvre suggère surtout une manière non occidentale de compter le temps.

La Prairie, mécène

En prévision de la sortie prochaine de leur crème ocu-laire Skin caviar Eye Lift, La Prairie a financé et exposédans son pavillon le travail de trois jeunes photographes vaudoises, toutes graduées de l’ECAL, qui développent la thématique du regard. Daniela Droz, Namsa leuba et Senta Simond apportent une interprétation personnelle de la beauté et de l’élément le plus important du visage, les yeux. Leur approche minimale et qui brise les codes en utilisant de nouveaux médiums est partagée par La Prairie, qui depuis toujours, recherche efficacitéet épuration dans les flacons de ses produits. Œuvres miroir reflétant le regard du spectateur et ses émotions,portraits en noir et blanc ou exploration du passage du temps à travers l’image que les spectateurs s’en font résument cette entreprise de patronage artistique qui s’avère inattendue, mais tout à fait réussie.