Afrodyssée: l’Afrique déifiée

Kente Gentlemen du designer ivoirien, Aristide Loua

C’est devenu l’événement incontournable réunissant les plus talentueux designers africains du moment. Afrodyssée est de retour pour une sixième édition du 5 au 7 mai prochain. Après deux ans d’absence (imposée), la programmation du festival, qui en fait un rendez-vous majeur en Europe, reste toujours aussi exigeante : défilé et marché des designers mettant en lumière l’excellence africaine, des invités d’exceptions autour de discussions engagées et une afterparty digne d’un Boiler Room. Petit tour d’horizon sur cette manifestation en forme de manifeste  à découvrir à la Maison communale de Plainpalais. 

 

Pepper Row, une marque de prêt-à-porter basée à Lagos, où textures et imprimés wax fusionnent.
© DR

African fashion is not a trend
C’est au travers d’artistes comme Beyonce, que l’on découvre, depuis peu, les créateurs africains comme Peulh Vagabond, Sarah Diouf ou encore Lafalaise Dion, la reine des cauris, invitée d’honneur de cette édition. Pourtant, comme le dit Aisha Ayensu, la fondatrice de Christie Brown : « La mode africaine n’est pas une tendance, elle existe depuis des années ». C’est en ce sens que la mission d’Afrodyssée est d’ouvrir les frontières aux créateurs africains et d’élargir leurs possibilités à l’internationale, et ce, malgré les barrères diplomatiques. Cette édition le festival a réussi à faire venir plus de 30 créateurs de l’Ouest à l’Est africains triés sur le volet pour leurs designs authentiques, valorisant les savoir-faire ancestraux et durables. Autre que Lafalaise Dion dont les pièces sont ornées de coquillages et entièrement faites mains, la marque Reeyah Swim, tout aussi artisanale, dévoilera ses tenues de bains embrassant la tendance du macramé et du crochet. On découvrira aussi l’univers coloré de Nyambo Masamara, évoquant les voyages de sa vie, du Rwanda au monde. Ou encore la soudanaise Nafisa Hafiz, pour qui « ce qui a été ruiné par la politique, peut être guéri par l’art » avec une collection s’inspirant des designs des peuples nomades des régions du Darfour et revalorisant leurs esthétiques épuisées par la guerre. Tout aussi curative, la marque Kikoromeo (pomme d’Adam en Swahili), fondée en 1996, voit en l’artisanat une forme de thérapie artistique pour les communautés vulnérables, notamment les jeunes mères et les réfugiés. Leurs tissus proviennent principalement de fibres naturelles, notamment de coton, de lin et de soie, ainsi que de fibres alternatives telles que celles dérivées du sisal et de l’écorce d’orange. En plus du savoir-faire artisanal, une grande partie du festival est dédié aux créateurs éthiques et durables. A l’instar de Threated Tribes, qui milite en perpétuant la tradition de porter des tissus produits localement au Ghana, au Mali, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire. Mais aussi l’enseigne Marche Noir qui privilégie le recyclage de vêtements vintage ou encore Larry Jay dont la philosophie tient à renforcer les compétences artisanales indigènes en les impliquant dans leurs processus de production et en les payant au-dessus du salaire vital.

Marché Noir du parisien Amah Ayivi d’origine togolaise

Gloire aux accessoires
Côté accessoire, le talent est tout autant au rendez-vous de la tête aux pieds ! Et on commence avec Osez le foulard, né d’une volonté d’inviter les filles et femmes afro-descendantes à renouer avec leurs racines avec l’art de l’attaché du foulard. Il y a aussi, les bijoux sophistiqués de la styliste anglo-nigériane Adèle Dejak, conçus à la main au Kenya à partir de matériaux et recyclés provenant de l’ensemble du continent comme la corne de vache Ankole ou les perles de verre Massaï et d’Afrique de l’Ouest. Tout aussi patrimoniaux, les bijoux afro-minimalistes Dear Katiopae qui sont un concentré du savoir-faire de cultures africaines centenaires comme celles des Ashanti, Akan, Ewe et Bamiléké que la marque contribue à préserver. Irrésistibles, les sacs colorés Ayessa sont fabriqués à partir de perles complexes et mettent en valeur la richesse de l’artisanat ghanéen ou ceux de Meron Addis Ababa, pionnière de l’industrie des sacs en cuir en Éthiopie. Enfin, les chaussures Phil&Joe ont pour réputation d’aider à se lever du bon pied.

La joaillière, Adèle Dejak

Dance & talk
Dès minuit, après le défilé, direction le Groove pour une afterparty exceptionnelle sous le doigté magistral d’Hirma, seule artiste genevoise à avoir mixé pour Boiler Room et de Sebastiao Loopes, DJ attitré des concerts de Makala. Le lendemain, on retrouvera un panel de personnalité comme le rappeur Nemir ou la journaliste Ouafa Mamèche qui aborderons de quelle manière les musiques nord africaines ont influencé les oeuvres de rap & hip hop, se retrouvant par exemple dans des samples – et comment à son tour le rap & hip hop ont pu exercer une influence sur différents genres musicaux comme le raï. Il y aura aussi les thématiques suivantes abordées : les enjeux politiques et thérapeutiques de la danse et de la réappropriation des corps noirs avec cinq invités dont la danseuse et musicienne congolaise Joli Ngemi ou la sonothérapeute (thérapie par le son et les vibrations) et chirologue Eloise Mehard.

Le DJ Sebastiao Loopes

 

 

Afrodyssée
Du 5 au 7 mai 2023

Salle Communale de Plainpalais
Rue de Carouge 52, 1205 Genève
www.afrodyssee.ch