Voyage au bout de l’objectif

Mexico City, 1966
de Bernard Plossu, courtesy à la Fondation Auer

C’est une histoire de photographie, mais aussi de voyage. C’est une succession d’images fixées sur la pellicule, mais aussi le récit d’une rencontre. Bernard Plossu et Françoise Nuñez sont mis à l’honneur dans la nouvelle exposition de la Fondation Auer pour la Photographie dans une collection d’images qui à leur façon représentent la vie de ces deux photographes. Réunis par une passion pour un médium, ils se retrouvent aussi dans leur ADN de globe trotter, partant à l’autre bout du monde pour l’immortaliser, en couleurs, mais le plus souvent en noir et blanc. L’exposition sobrement intitulée Bernard Plossu & Françoise Nuñez : Une longue route, nous entraîne par l’image sur les pas de ces deux photographes qui voyaient le monde autrement à travers leur objectif. 

 

C’est une exposition qui trouve sa source en 1983, dans l’esthétique solaire de la Californie. Michel et Michèle Auer se rendent alors aux Etats-Unis pour leur projet visant à l’élaboration de l’Encyclopédie internationale des photographes de 1839 à nos jours. Ils partent ainsi à la rencontre de Bernard Plossu dans son pied-à-terre de Taos, ne servant que de point de chute à ses nombreux voyages pour l’agence Fotowest. « À cette époque, des milliers d’images paraissent dans la presse et l’édition et ne portent aucune mention de leurs créateurs, tout au plus une indication de nom d’agence, de collectionneur, de bibliothèque ou de droits réservés ! Par la suite, notre amitié a permis de se retrouver de nombreuses fois à Paris où nous avons connu Françoise, en Bourgogne, en Espagne et dans le Midi de la France… Voilà trente-cinq ans, en 1988, nous avons organisé la première exposition du couple Plossu à la Salle Simon I. Patino à Genève. Ce fût le début de l’entrée des photographies de Bernard et de Françoise dans la collection M+M Auer Ory » explique le duo. Un projet collaboratif qui allait mener à une nouvelle exposition en 2024 rassemblant les clichés du couple Nuñez et Plossu. 

Tropiques mexicaines, 1966 de Bernard Plossu, courtesy à la Fondation Auer

Dans les photographies accrochées aux murs de la fondation, c’est avant tout une passion pour le voyage et l’ailleurs qui ressort. Une attraction qui se développe pour Bernard Plossu dès le jeune âge de 13 ans, lorsqu’il quitte son Vietnam natal avec son père alpiniste pour un voyage au Sahara où il réalise ses premières photos. Une passion qui ne trouve pas son solace dans la destination, mais à l’inverse dans le voyage en lui-même. « Je suis de la génération de Tintin, comme lui, je me rends dans les pays où se vit l’aventure. Mon envie de photographier est née du désir de retrouver dans les faits, les images que j’avais lues dans les livres » confiait le photographe. La passion de Françoise pour l’image se développe lors d’un voyage entre l’Andalousie et Castille au lendemain de ses études de philosophie. Elle rentre alors à Toulouse et intègre l’école ETPA, étudiant avec comme professeur Jean Dieuzaide, puis son diplôme en poche elle enchaîne elle aussi les voyages. Elle part alors en Afrique, notamment en Ethiopie, puis s’envole pour le Mexique, et plus tard la Grèce, la Turquie, l’Inde, Dakar, la Syrie, le Japon… Bernard Plossu multiplie lui aussi les escapades étrangères : Amérique latine,  Etats-Unis, où il enseignera, Afrique, du Maroc à l’Egypte, du Niger au Sénégal. Il épouse Françoise en 1986, qui allait disparaître en 2021, aucun d’eux ne cessant jamais de voyager pour capturer l’ailleurs. 

 La cover de Go Out! 117 / Mexico, 1966 de Bernard Plossu, courtesy à la Fondation Auer

Deux photographes, deux voyageurs, avec une affection particulière pour le noir et blanc. Deux approches aussi, mais chez chacun des artistes on retrouve cette volonté de capter l’ailleurs à travers ceux qui l’habitent, capturés dans leur intimité, une grande sensibilité semblant traverser l’objectif de l’appareil. Mais aussi l’immortalisation de paysages, de l’architecture d’une ville, et toujours et encore de ceux qui l’habitent. Cependant ici il n’est jamais question de figer l’image dans le temps, à l’inverse, Bernard Plossu nous suggère, « En photographie, on ne capture pas le temps, on l’évoque. Il coule comme du sable fin, sans fin… Et les paysages qui changent n’y changent rien ». À méditer en déambulant devant les clichés exposés du 7 février au 28 avril 2024.

Pattie à Carmel, 1966 de Bernard Plossu, courtesy à la Fondation Auer

 

Bernard Plossu & Françoise Nuñez : Une longue route
Du 7 février au 28 avril 2024

Fondation Auer pour la Photographie
10, rue du Couchant, 1248 Hermance
www.auerphoto.com