Verneuil la Douce : anatomie d’un rêve habitable

Une demeure normande aux briques tressées comme un damier ancien, se dressant fièrement au milieu du jardin — château-récit, château-refuge, château-rêverie (c) DR

À Verneuil la Douce, Camille Omerin n’a pas seulement restauré un château : elle a ourlé un univers. À une heure de Paris, là où le tumulte s’efface et où commence la clairière du calme, elle a dessiné un havre qui change le tempo et réaccorde l’esprit. Ancienne silhouette de la mode devenue sculpteuse d’espaces, elle tisse ici une poésie habitable, où chaque mur respire l’art et chaque détail murmure une intention. Fresques, lumière, lyrisme : la demeure d’art s’ouvre comme un poème que l’on traverse, un théâtre de saisons, de sens et de sensations, conçu pour suspendre le temps autant que pour réveiller l’imaginaire. Ici, chaque chambre devient une confidence chromatique dans cette maison-songe où l’on séjourne comme on feuillette un rêve.

Tête à tête entêtant avec Camille Omerin, couturière et poétesse d’espaces qui choisit un lavabo comme un bijou et une petite cuillère comme une signature

Une rose des vents carrelée comme un talisman, indiquant non pas un nord mais une atmosphère — celle de la douceur faite lieu (c) DR

Vous avez un passé dans la création de mode et de design (comme on sait chez Maison Père) : qu’est-ce qui, en vous, a fait glisser le geste créatif vers un lieu à habiter plutôt qu’un vêtement à habiller ?
Je suis arrivée dans l’hôtellerie par le design d’intérieur. Il y a de grandes similitudes entre la mode et le design d’intérieur, ce sont des formes, des matières et des couleurs ; m’exprimer créativement pour que des clients puissent en profiter est devenu une évidence, parallèlement au fait de mettre en avant des services. Si je me lancais dans cette aventure, je souhaitais le faire de facon singulière et différente de tout ce qui se fait sur le marché.

Sous la verrière Eiffel, un salon baigné de lumière où les saisons se peignent au plafond — un théâtre céleste pour lectures lentes et conversations suspendues (c) DR

À l’arrivée au château de Normandie, imaginiez-vous la fresque (mur, plafond) ou le silence qui suivrait ? Quel détail a été le tout premier à naître, quand l’idée est devenue scénographie ?
J’ai dans un premier temps été  » assommée » par la montagne de travaux à réaliser mais je savais que le projet serait artistique et créatif, puis petit à petit j’ai démarché les artistes pour leur proposer des commandes et leur faire part de mes idées. Je voulais écrire des vers de poésire sur les murs des chambres, et quand j’ai vu les 4 pans de la veranda j’ai pensé aux 4 saisons, puis j’ai imaginé les Beaux Arts dans 2 rotondes dans les salons du restaurant. Tout s’est fait progressivement.

Un comptoir comme un puzzle de volumes et d’ombres, veillé par des divinités pastel qui dansent sur le mur, entre grâce antique et modernité douce (C) DR

Vous parlez de rareté (17 chambres seulement) : comment définiriez-vous, en un mot ou une image, ce luxe qui ne se braille pas mais se susurre ?
Le luxe discret c’est tout d’abord l’intention artistique qui est le coeur du projet, et c’est ensuite avoir 2 piscines, une d’hiver et une d’été, un restaurant gastronomique de grande qualité, une carte des vins rare, et une équipe au petits soins pour nos clients.

Vous avez créé un décor si fin qu’on a envie d’emmener un morceau (un fauteuil, une lumière, une assiette…) : quel objet ou quel trait du décor vous séduit le plus et pourquoi ? Chaque détail, chaque meuble, chaque objet est pensé et choisi pour qu’il soit d’exception, rare et unique à la fois. Je déteste le conformisme, ressembler à tout le monde. Il devait être évident pour moi de me démarquer, que tout soit singulier, du lavabo à la petit cuillère.

Quand la cuisine devient tableau : une palette de saveurs, de pigments végétaux et de gestes précis, où la carotte se fait pinceau et la couleur, gourmandise (c) DR

Le lieu est situé en Normandie, mais l’ambiance semble tout sauf traditionnelle. Comment avez-vous revisité cette région, en respectant son âme tout en l’éloignant de ses clichés ?
La bâtiment que j’ai choisi de rénover à 140 ans, il a une histoire riche et nous sommes en train de la raconter dans un livre. Verneuil la douce est une escale, j’ai aussi fait faire des cartes à disposition dans la chambres avec des recommandations de visites, de brocantes, de boutiques, c’est cela pour moi la normandie moderne ; une halte en phase avec son temps.

On parle d’un lieu pour «se poser», pour respirer un autre tempo. Mais quel est le tempo que vous avez imposé ?
J’ai le désir profond de réveiller l’imaginaire de mes clients par le décor mural donc je crois que c’est très personnel à chacun, selon sa sensibilité, sa personnalité.

Une chambre comme un souffle doux : fresques murmurées, lignes courbes et lumière dorée composent un cocon où l’on s’étend comme dans une parenthèse suspendue (C) DR

Vous avez invité des artistes, créé des fresques, pensé chaque espace comme un tableau. Pour vous, quelle est la frontière (ou l’absence de frontière) entre hôtel et galerie privée ?
Verneuil la douce ne se définit pas comme un hôtel mais comme une demeure d’art. Le but est que les décors à même les murs et les plafonds vivent avec l’atmosphère et avec nos clients, le ressenti est beaucoup plus fort que dans une galerie sur des tableaux.

Vous agrandissez en 2026 : comment va-évoluer la signature visuelle ou spatiale de Verneuil la Douce ?
Nous allons en effet dévoiler le spa avec notre piscine intérieure et également notre orangerie, qui fera office de salle de séminaire hybride pour nos évènements et divers séjours ou ateliers. Ces espaces verront intervenir des artistes en décor mural qui réaliseront des fresques : Kimmy Quilin, Alice Louradour et Hermentaire.

Une salle d’eau qui frôle l’art total : miroir orné, vasques plissées, pieds sphériques — une fantaisie maîtrisée où le quotidien devient rituel (C) DR

Une nuit, un détail fugace peut marquer à vie (la lumière à travers la verrière, le parfum dans l’air, l’écho des pas). Quel est ce détail chez vous que vous voudriez que chaque invité retienne puis murmure ?
Définitivement la lumière du jour qui traverse la verrière, les jeux de lumièrses à chaque heure sont fantastiques.

Si vous deviez scénographier un rêve (au sens littéral) pour vos chambres futures, sans contrainte budgétaire ni limites techniques, quelle serait la chambre-songe, celle qui défierait le temps ?
Je crois que ce serait toujours des chambres réalisées en collaboration avec des artistes.

Un bassin comme une toile mouvante, où l’eau glisse sur les formes de Ben Arpéa, transformant chaque nage en traversée chromatique (c) DR

 

Verneuil la Douce
98, Rue de la Ferté-Vidame, 27130 Verneuil d’Avre et d’Iton, France

www.verneuilladoucehotel.com