Troppo vero

©Jacques Bétant

Selon Marie-Hélène Fehr-Clément (1918-2012), la peinture se décompose en trois périodes. Le futur peintre est lui-même et ne subit que sa propre influence, le jeune peintre est influencé et le peintre accompli est chanceux, car il retrouve force créative et sa spontanéité. L’Espace Arlaud fait honneur à cette conception de la peinture en exposant à titre posthume, et pour la première fois, les œuvres tardives de l’artiste vaudoise. Les nombreux portraits qu’elle réalise font ressortir une volonté d’exprimer avec l’œil ce que la parole peine souvent à faire : dire le vrai.

Enfance à Lausanne

Marie-Hélène Fehr-Clément naît à Lausanne en 1918 au moment où la ville voit se développer un vivier artistique des plus productifs. Des écrivains comme Maurice Chappaz et Charles-Ferdinand Ramuz sont contemporains du peintre René Auberjonois, lequel est un proche de la famille de Marie-Hélène Fehr-Clément. Pourtant proche d’artistes et encouragée par Auberjonois, Marie-Hélène Fehr-Clément est de ces peintres autodidactes qui n’ont besoin comme guide qu’eux-mêmes ; l’inspiration vient en travaillant, non en l’attendant des autres.

Esclave de l’essentiel

Un intérêt çà et là pour Paul Cézanne ou Chaïm Soutine lui apportent ce qu’elle aime bien appeler « des éclaircies d’intelligence » et lui inculquent le traitement des matières, mais son profond dégoût pour toute forme de structure humaine ou groupe pousse Marie-Hélène Fehr-Clément à peindre seule et à ne s’inspirer que de la nature. Des aspects de sa vie, « la peinture est bien le seul où il n’y ait point eu aucun souci » disait celle qui signait ses travaux simplement de son prénom. Dépourvue de toutes autres qualifications, la peinture est le domaine dans lequel elle se sait avoir un peu de talent.

Son goût pour les cafés et la poussière des trottoirs la met sur la route de ces gens qui lui permettent de saisir cet insaisissable qui est présent en chacun et qui ne flatte pas toujours une fois saisi. Son talent réside avant tout dans sa capacité à peindre fidèlement ce qu’elle observe. Ne pas peindre comme l’on voit, mais comme l’on ressent n’est pas chose aisée. Les paysages ou les portraits qu’elles réalise n’ont pas toujours plu et, pour reprendre l’exclamation que poussa le pape Innocent X face au portait que Diego Velasquez réalisa de lui, les œuvres de Marie-Hélène Fehr-Clément peuvent être qualifiées de troppo vero (trop vrai). Cette analogie est la bienvenue lorsque l’on sait qu’elle ironisait sur le fait d’être l’alter ego du peintre espagnol.

Marie-Hélène Clément
Du 25 janvier au 31 mars 2019

Espace Arlaud
Place de la Riponne 2B – 1005 Lausanne
021 316 38 59
www.musees.vd.ch/espace-arlaud