Tout vivre, maintenant

©Magali Dougados

C’est dans ses nouveaux quartiers déjà devenus un lieu de rendez-vous incontournable de la ville que La Comédie Genève annonçait sa nouvelle saison 2022-2023. Après plusieurs années de vie au ralenti, de changements forcés par la pandémie qui nous a tous abasourdis, l’institution genevoise nous propose de Tout Vivre. Une thématique forte et qui en dit long sur le projet de cette nouvelle saison. S’inscrivant dans la tradition millénaire du théâtre, La Comédie nous rappelle que cet art qui se joue sur les planches est avant tout le reflet de nos émotions. Rires, larmes, enchantement, déception, peur, enthousiasme, tant d’émotions qui se vivent ensemble dans l’obscurité d’une salle où la vie se met un instant entre parenthèse pour nous faire entrer dans un monde parallèle. Natacha Koutchoumov et Denis Maillefer, à la codirection de l’institution nous résument leur ambition pour cette nouvelle saison : provoquer le réel, car tout reste à vivre.

Septembre 2022 débute sur une vague de nostalgie heureuse. Les travaux sont terminés depuis bien longtemps, les engins de construction et les travailleurs ayant laissé place aux spectateurs. Nombreux. Très nombreux. Personne ne s’est fait prier pour rejoindre le nouveau quartier gravitant autour de la gare des Eaux-Vives et rapidement la salle de spectacle, les couloirs, les ateliers, ont grouillé de visiteurs, de spectateurs, avides de culture après une privation trop longue. Une première saison in situ remplie de succès, qui laisse la place à une programmation 2022-2023 où la vie reprend irrévocablement le dessus. Le théâtre, nous semble-t-il, reprend ses droits et nous propose une saison où la variété vient témoigner de toute sa richesse.

©Magali Dougados

Cet automne, tout commence avec un voyage à travers le temps. Los años, en coréalisation avec le Festival de la Bâtie, ouvre une fenêtre sur la vie de Manuel. Devant nous, son apparement dédoublé : d’un côté celui du jeune Manuel, en 2020, architecte, de l’autre le même logement, trente années plus tard, alors que Manuel retrouve Buenos Aires. Cette pièce, l’une des premières de cette saison, vient nous rappeler la magie du théâtre, et nous fait plonger par la même occasion dans une histoire qui nous parle du temps qui passe, des rêves qui s’effilochent, et des désirs qui changent. 2022-2023 sera également l’occasion de retrouver des grands classiques des planches. Platonov de Tchekhov se déroule comme un « feuilleton en forêt » nous dit-on, une histoire in situ où cette pièce fleuve se joue les pieds dans l’eau et nous invite à découvrir le théâtre de manière inédite et organique. En octobre c’est un autre grand nom qui viendra habiter les planches de La Comédie. Cette année, nous fêtons le 400ème anniversaire de la naissance de Molière, jouer une de ses oeuvres se présentait alors comme une évidence. C’est Le Tartuffe ou L’Hypocrite qui a été choisi, mis en scène par le flamand Ivo van Hove avec une incarnation sur scène de la Comédie-Française. Une merveille de théâtre où chacun semble possédé par un poison vénéneux, qui vient également réaliser l’un des rêves de La Comédie de Genève, recevoir la Comédie-Française sur ses planches. Enfin, on ne peut s’empêcher de citer Les Frères Karamazov, classique de la littérature russe écrit par l’inégalable Dostoïevski, ici mis en scène par Sylvain Creuzevault qui a pioché dans ces quelques 1300 pages de roman pour en tirer une pièce jouissive qui nous parle de l’Existence avec un grand E. On s’interroge sur Dieu, le mal, la révolution social, mais jamais on ne fait disparaitre notre sourire.

©Magali Dougados

Cette saison 2022-2023 ce sont également des pièces précieuses nées à notre époque. Pieces of a woman nous parle de la reconstruction d’une femme, de la femme, pour une pièce à fleur de peau qui nous vient tout droit de Pologne. Lovetrain 2020 nous fait voyager dans le passé et les années 1980 pour une performance de danse où l’euphorie et la bonne humeur sont contagieuses. Et puis il y a aussi Dark was the night qui nous parle du destin contradictoire du chanteur Blind Willie Johnson, Un mort dans la famille imaginé par Alexander Zeldin qui nous a enchanté la saison passée avec LOVE, et puis Irina, l’histoire d’une enfant qui se reconstruit envers et contre tout. Au-delà de sa scène, La Comédie c’est aussi un lieu de rencontres, de partage, d’échanges. Un lieu nommé le Pont des Arts qui propose une programmation à part entière, se concentrant sur des événements gravitant autour de la fête et du jeu, autour de l’art, mais aussi de la réflexion qui l’entoure. L’objectif ? Créer un pont aussi concret que métaphorique entre l’art et le monde qui l’inspire. Un échange de bons procédés entre deux univers co-dépendants auquel nous sommes invités à participer à travers ateliers ou soirées dance floor. Une nouvelle façon encore de tout vivre.

Vous l’aurez compris, vous raconter cette saison n’est pas une mince affaire. Dense et vivante, plurielle et multidisciplinaire, la programmation 2022-2023 de La Comédie de Genève c’est un bond dans le réel. Nous laissons le mot de fin à la direction qui le dit mieux que personne, « Chaque spectacle est ainsi une promesse rêvée, chaque spectacle nous apparaît comme possiblement inoubliable et nécessaire. À vous de les vivre. De tous les vivre. De tout vivre. »

La Comédie de Genève, Esplanade Alice-Bailly 1, 1207 Genève. Informations, programmation complète et billetterie à retrouver sur https://www.comedie.ch/fr