SPLENDEURS DE LA VIE QUOTIDIENNE

George William Joy, The Bayswater Omnibus, 1895© George William Joy / Museum of London

Ce printemps, la Fondation de l’Hermitage consacre une imposante exposition à la peinture anglaise. Soixante œuvres, des artistes phares aux plus méconnus, donnent à voir dans les moindres détails les splendeurs de la société victorienne (1837-1901) sous forme de parcours thématique. Les avancées technologiques et sociales permises grâce à la révolution industrielle autorisent de nouveaux types de représentationet une prolifération artistique dont Joseph Mallord William Turner est désigné de manière hâtive comme chef de file. Tout un pan de photographies et d’héliogravures viennent parfaire l’exposition en plus d’un cycle de conférences.

Avec ce panorama de la peinture anglaise, la fondationde l’Hermitage réitère son projet d’un cycle d’expositionsdestinées à faire connaître l’effervescence artistique du XIVème siècle. Le commissaire de l’exposition William Hauptman, à qui l’on doit entre autres les expositions « Les artistes du Nouveau Monde » ou « Impression du Nord », confirme une recherche de l’inédit et une prise de risque. A défaut de tout montrer, il fait le choix d’exposer des œuvres que le public n’est pas habitué àvoir. Ainsi, des nombreuses

Anthony Frederick Augustus Sandys,
Vivien

représentations d’Ophélie, celle d’Arthur Hughes, plus intime, est privilégiée sur celle beaucoup plus connue de John Everett Millais. Les tractations avec la Tate et autres institutions muséales britanniques de même qu’avec la famille Windsor ont exceptionnellement permis d’exposer des œuvres jamais présentées à l’instar « The Eve of Saint Agnes » qui habille normalement un mur de la résidence royalede Clarence House. Des Turner sont évidemment présents – deux – mais ne résument pas l’exposition à eux seuls : en effet, le peintre de paysage meurt en 1851 ; soit au début de la période dite victorienne. Plus que d’être le représentant d’une époque, Joseph Mallord William Turner est l’annonciateur de la suivante. Grande fut eneffet l’influence de son traitement de la lumière et de ses ciels coloristes pour les artistes ultérieurs. George Frederick Watts s’éprend des brouillards et de la touche empâtée de son prédécesseur pour peindre « After the Deluge » à la fin des années 1880. La composition de Watts fait écho au traitement de 1843 de Turner sur le même sujet bien qu’elle tende vers plus d’abstraction.

UNE MANIÈRE ANGLAISE

Si la peinture anglaise intéresse peu et est regardée avec prudence lors des grand-messes de peinture face à laquelle on préfère volontiers la production française, il y a bel et bien une école anglaise qui s’affirme sous le règnede la reine Victoria. L’exposition universelle de 1855, où les artistes furent pour la première fois appelés à franchirla Manche, a été la révélation d’une nouvelle école de peinture dont on ne soupçonnait pas la virtuosité, bien que certains artistes tels que George Lambert et Thomas Gainsborough fussent déjà connus dès le XVIIIème siècle.

Plus qu’un style, la peinture de l’ère victorienne représente une époque ; un univers régi par un code morale bien spécifique savamment raconté par les peintres du XIXème. Au temps où la photographie n’a pas la cote, la peinture est le moyen le plus à même de décrire une société dans ses moindres détails. Tandis que certains peintres se regroupent autour du terme de « préraphaélite » et créent un mouvement pictural mort-né qui ne dure que cinq ans à partir de 1848 et qui illustre une préoccupation d’un art didactique capable d’agir sur les mœurs dissolues par la révolution industrielle, d’autres s’intéressent aux scènes de la vie quotidienne. L’aspect social est traité selon un strict minimum, voire de façon fort déformée. La peinture victorienne n’est aucunement une description objective de la réalité, mais diffuse des vertus de piété et de charité ; le travail acharné, l’innocence des enfants et le caractère sacré de la vie familiale sont des thèmes communs, reconnus et incontournables. Ces différents récits de la vie moderne font se côtoyer les classes sociales, les bruits et les odeurs d’une société en pleine expansion au détour d’une scène d’intérieur ou d’une scène dans un omnibus.

La peinture anglaise. De Turner à Whistler
Jusqu’au 2 juin 2019
Fondation de l’Hermitage
Route du Signal 2 – 1018 Lausanne
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