Quand Hermès trouve sa Grâce

Grace Wales Bonner capturée par Tim Walker pour W Magazine
Un regard doux mais déterminé, une force tranquille qui redéfinit le luxe sans hausser la voix

C’est officiel : Grace Wales Bonner prend les rênes du vestiaire masculin d’Hermès! Un séisme feutré dans la maison de la maîtrise. Une passation d’âme — du classicisme ciselé de Véronique Nichanian (38 ans de règne) à la vision polymorphe d’une créatrice afro-britannique qui fait dialoguer diaspora et distinction. Hermès a trouvé son nouveau tempo : moins carré, plus habité. De la selle à la soûl, un cuir qui groove! 

De l’écurie à la culture
Fondatrice de sa propre maison, formée à Central Saint Martins, Grace Wales Bonner a toujours cousu ses collections comme des poèmes. Elle y glisse le rythme du reggae, la rigueur du tailoring anglais, les voix de l’Atlantique noir. Chez Hermès, elle ne viendra pas casser le mythe : elle viendra y ajouter de la mémoire. Le cheval trotte encore, mais cette fois il a le pas chaloupé.

Au sein de l’industrie, Grace Wales Bonner, ici en train d’observer les silhouettes en coulisses lors de l’un de ses défilés, est perçue comme une créatrice réfléchie, contemplative et profondément intellectuelle. (c) Clara Vannucci pour The New York Times.

Une tête bien faite, un style bien né
Au-delà de son âge ou de son passeport britannique, Wales Bonner incarne une autre grammaire du style : cérébrale, feutrée, habitée. Son premier défilé, Ebonics, était une leçon d’élégance et de conscience : pantalons évasés, vestes à col châle et mailles brodées « The Black Genius », accompagnées d’un carnet de références littéraires — James Baldwin, Ralph Ellison, tout un panthéon de penseurs noirs.

Depuis, son approche quasi académique l’a hissée au rang d’intellectuelle du vêtement : elle puise tour à tour dans les universités afro-américaines, la Renaissance italienne ou les campus britanniques, sculptant ses silhouettes comme des thèses vivantes.

Grace Wales Bonner, vêtue d’une veste personnelle, de la chemise Long River, du pantalon Harmony et des mocassins Earth, signés Wales Bonner (c) Koto Bolofo pour The Washington Post

En dix ans, elle a conquis les podiums et les galeries :

• Habillé Lewis Hamilton pour le Met Gala et collaboré avec Solange.

• Réinterprété la veste Bar de Dior en macramé, collaboré avec Adidas sur des sneakers cultes (la Samba revisitée en croco, léopard ou crochet).

• Curaté une exposition au MoMA de New York et orchestré des performances musicales à la Serpentine Gallery avec Sampha et Laraaji.

• Couronnée d’une pluie de prix et d’un titre de Member of the Order of the British Empire.

Puisant dans la richesse de la diaspora noire, les collections de Grace Wales Bonner ont, au fil de la dernière décennie, oscillé entre un sportswear artisanal et un tailoring royal (c) Wales Bonner

Un parcours cousu d’audace et d’équilibre, entre art conceptuel, business visionnaire et couture incarnée!

Un vent d’incarnation
Hermès, bastion du silence et de l’excellence, choisit enfin de parler autrement. Avec Wales Bonner, la maison ne s’offre pas un buzz — elle s’offre un souffle. Celui d’une génération qui fait rimer artisanat et ancestral, coupes et conscience, élégance et identité. Janvier 2027, première collection : l’attente est déjà désir.

Un symbole cousu main
Première femme noire à diriger une grande maison de luxe européenne : le geste dépasse la mode. C’est un fil d’histoire qui se retisse, un dialogue entre Paris et Kingston, entre les savoirs et les saveurs. Le vestiaire Hermès ne sera plus seulement intemporel : il sera traversé.

Créatrice aux collaborations éclectiques, elle a travaillé aussi bien avec des artistes comme ici avec Kerry James Marshall qu’avec des géants comme Adidas (c) Jack Day

Le luxe se réécrit, lentement, puissamment
Et dans ce murmure, Grace Wales Bonner vient de signer la plus belle note de la partition Hermès. Un pas de côté. Un pas d’avant.