Premières à l’Oper !
Matthias Schulz, nouveau Directeur de l’Opéra de Zurich ©maurice_haas
Scène centrale dans l’art musical, l’Opernhaus Zürich fait ses premiers pas sous l’ère de son nouveau directeur Matthias Schulz, après les années Homoki. Parmi ses nouvelles productions, l’ancien directeur du Staatsoper Berlin «Unter den Linden» a confié au metteur en scène suisse Thom Luz sa toute première fois à l’opéra, avec Hänsel und Gretel. Rencontre avec le directeur lyrique, à une heure de la première.
Vous signez une première saison ambitieuse, avec 14 nouveaux spectacles! Est-ce le reflet d’une grande différence financière avec Berlin, où vous dirigiez le Staatsoper?
Avec 11 nouvelles productions d‘opéra, 3 nouveaux ballets, on peut le dire oui ! En Europe, c’est assez unique de disposer de tels moyens. À Zurich, on ressent une vraie volonté de soutenir l’opéra, sur le long terme et avec des fonds publics. Les privés aussi aident énormément, à hauteur de 11 millions, c’est une chance ! Vous savez, l’opéra fonctionne comme un moteur : une fois démarré, il catalyse une puissante dynamique avec les artistes et le public. Mais ce dernier désire toujours des nouveautés, alors il faut mettre les moyens.
L’Opernhaus Zürich ©Andrin Fretz
L’enjeu des femmes à l’opéra revient sur le devant de la scène. Vous invitez plusieurs talents à diriger en fosse ou en mise en scène, mais pas de compositrices au programme… A quand une pièce de Barbara Strozzi par exemple ?
Cette saison j’ai invité beaucoup de femmes talentueuses à la mise en scène, par exemple Tatjana Gürbaca, Lilli Fischer, Anna Bernreitner, Valenmtina Carasco. C’est aussi le cas des cheffes d’orchestre, à l’image de Giedrė Šlekytė qui dirige la première de Hänsel und Gretel ce soir ! Concernant les œuvres, il y a un projet en cours, mais je ne peux pas encoreen parler à ce stade. Les choses ne peuvent se faire d’un claquement de doigts, il faut chercher et trouver les œuvres pour en faire des succès. Cela demande un développement organique, qui prend un peu de temps. On y est presque.
Hänsel und Gretel, une fable sur la machine à créer, mise en scène en scène par Thom Luz, à l’invitation de Matthias Schulz ©Herwig Prammer
A Berlin, vous avez créé le Kinderopernhaus, à Zurich vous créez le Kinderorchester. Hänsel und Gretel est un conte pour enfants. L’opéra doit jouer un rôle particulier auprès des plus jeunes?
Oui c’est très important. Vous savez je suis père de 5 enfants. Ce soir, mon ado vient à la première avec ses copains. Je trouve essentiel que tous les enfants puissent vivre cette expérience, et la partager. Avec le Kinderorchester, nous travaillons avec des enfants de 8 à 13 ans dans 36 écoles du Canton, qui jouent dans un orchestre souvent pour la première fois. Si à la fin de l’expérience, leurs copains disent «moi aussi je veux faire ça!», alors c’est gagné !
La pandémie de Covid-19 et ses mesures ont provoqué de lourdes conséquences sur le public des salles, notamment en France. Est-ce le cas à Zurich ?
Il existe des différences oui, mais rien de grave. Au moment d’acheter des places, le public se décide plus tard. Plus de jeunes qui viennent à l’opéra, et ils veulent de la nouveauté, quelque chose de moderne, pas uniquement du répertoire. On doit donc continuer à créer. Un autre détail que j’ai remarqué : le public s’habille de manière plus informelle.
La nouvelle production de Hänsel et Gretel est déjà la quatrième création de votre première saison, après Der Rosenkavalier, La forza del destino, le ballet Oiseaux Rebelles (et la production expérimentale Wie du warst, wie du bist). Pourquoi l’avoir confiée au metteur en scène suisse Thom Luz, habitué au théâtre?
J’avais rencontré Thom à Berlin au Staatsoper, où il avait monté la performance Werckmeister Harmonien en 2022. Il entretient une relation toute particulière avec l’OpernhausZürich, qui occupe un grand rôle dans son parcours artistique et théâtral. Enfant, il a joué sur la scène ! Dans Hänsel undGretel, il livre un conte sur la mise en scène, le monde magique des coulisses, le spectacle en train de se faire. Il s’agit vraiment d’un spectacle accessible à tous, de 7 à 99 ans !
Matthias Schulz, nouveau Directeur de l’Opéra de Zurich ©maurice_haas
Ce spectacle marque aussi l’ouverture de votre projet Opernkinotag…
Absolument ! Il s’agit d’une première. Notre idée consiste à diffuser en direct l’opéra dans 15 cinémas à travers tout le Canton. Vous savez, il nous finance de manière très importante et nous voulons assurer une réelle présence dans le territoire. D’ailleurs, je trouve que l’opéra est un art qui se prête bien aux salles obscures.
En quoi votre projet se distingue d’Andreas Homoki, votre prédécesseur. En quoi vous lui ressemblez ?
Je crois qu’on partage l’idée d’avoir une stratégie pour toute la vie [rires]. À l’opéra c’est pareil, on doit gérer une sorte d’opération émotionnelle. Il y a tellement d’éléments à prendre en compte, anticiper, des risques à maîtriser. Et au final, on ne peut rien prévoir. Imaginez un spectacle où tout paraît sous contrôle, mais en réalité rien ne marche ! Finalement, nos métiers demandent beaucoup d’empathie, puisqu’on propose des spectacles pour des personnes, créés par des personnes. Et c’est toute la beauté de l’opéra.
Opernhaus Zürich
Falkenstrasse 1, 8008 Zürich, Suisse