PIQUE-NIQUE & CÉRAMIQUE

Le Musée Ariana a convié l’artiste britannique Charlottes Hodes dans son espace dédié à la création contemporaine pour un pique-nique artistique original, coloré et délicatement subversif. Mélangeant habilement les techniques issues des beaux-arts avec celles des arts appliqués, les créations délicates et sophistiquées s’inspirent des fêtes galantes organisées par l’aristocratie au cours du 18e siècle ainsi que des réunions en plein air qui ont proliféré pendant la pandémie du coronavirus. Une surprenante analogie qui invite à réfléchir avec légèreté à notre rapport à l’extérieur, à la communication, au partage ainsi qu’à la liberté. 

Organiser un pique-nique en intérieur et sans nourriture, en voilà une drôle d’idée. Mais ne dit-on pas que l’art est la nourriture de l’âme ? L’exposition Conversation en plein air joue autour de ces différentes idées tout en renversant les conventions avec un esprit espiègle. Au menu : des vases délicatement ciselés, des nappes à carreaux traditionnelles des repas en extérieur, des frises de papiers découpés qui se déploient sur les murs tels des triptyques, des sets de vaisselles complets qui interagissent entre eux, des débris de céramique et même des serviettes pour ne rien oublier du parfait attirail pour déjeuner sur l’herbe. Combinant avec ingéniosité et audace plusieurs procédés artistiques, l’exposition présente des pièces inédites créées spécialement pour l’occasion, et interagissant harmonieusement avec le lieu. 

Dans le studio de Charlotte Hodes ©Alun Callender pour jaggedart.

Imaginée comme une promenade, l’exposition met en scène un ensemble cohérent de pièces formées à partir de médiums et de matériaux variés. Habillées de « pattern » (motifs) déclinés sous toutes les formes, les œuvres se déploient comme autant de petites îles où vivent exclusivement des figures féminines joyeusement désinvoltes. Armées de masques anti-covid, de paires d’écouteurs et de longues-vues, les nombreuses femmes figurant sur les céramiques et les collages en papier communiquent et dialoguent silencieusement entre elles, développant ainsi une idée globale de sororité et de communion féministe. Portant un regard neuf sur la condition féminine dans l’art en revisitant certains tableaux iconiques de notre imaginaire collectif pour mieux les détourner, comme le célébrissime Déjeuner sur l’herbe de Manet, Charlotte Hodes souffle un vent subversif de fraîcheur et d’allégresse tout en proposant une réflexion autour de la place des femmes dans la tradition picturale et plus généralement dans la société. Jouant avec les techniques de la même manière qu’elle se joue des codes artistiques, elle a développé des procédés inédits afin de concevoir des œuvres surprenantes à mi-chemin entre les arts décoratifs, les arts appliqués et les beaux-arts. 

Peintre de formation, Charlotte Hodes s’est d’abord passionnée pour les collages avant de développer un intérêt pour la céramique au cours de leçons de dessin qu’elle dispensait à des étudiants en céramique à Londres. Pour créer les œuvres présentées à l’Ariana, elle a mis en place des méthodes inédites de collage et d’impression sur faïence s’inspirant de la sérigraphie. Collaborant avec des céramistes et des manufactures, Charlotte Hodes métamorphose les objets en y transférant ses dessins sur la surface. Superposant les couches au fur et à mesure, elle développe ses créations sur le long terme. Son travail minutieux traduit un art réfléchi et méticuleux, qui ne laisse rien au hasard. Une belle exposition à découvrir jusqu’au 5 mai 2024.