Panamarenko : l’art comme monde imaginaire

Donnariet, 2003

Il était un artiste tout simplement hors normes, à la croisée de Jules Verne et de Léonard de Vinci. Panamarenko, de son vrai nom Henri Van Herwegen, était un innovateur aussi énigmatique que surprenant, sortant de son imagination des créations tout simplement fantastiques qui allaient le classer parmi les artistes les plus éminents et les plus étonnants de son époque. La galerie Wilde Genève lui consacre une exposition, trois ans après sa disparition, proposant au public helvétique de découvrir en personne les créations détonantes de ce génie qui se plaisait à créer des avions incapables de décoller. Artiste oui, mais aussi ingénieur, inventeur et visionnaire il allait à travers son œuvre faire plus que créer de l’art, mais questionner des concepts aussi complexes et vastes que le temps et l’énergie. À travers une sélection d’œuvres, allant de la fusée clouée au sol à ses dessins préparatoires, la galerie genevoise nous fait plonger dans l’univers de ce génie au monde aussi scientifique qu’onirique. 

Un artiste pas comme les autres

Une première question se pose. D’où vient donc ce nom, Panamarenko ? L’artiste belge né à Anvers ne manquait pas d’imagination, et par le choix de son pseudonyme déjà il le démontrait au monde. Son origine ? Un mélange ironique entre deux nations détestées, d’un côté la compagnie aérienne Pan American, de l’autre l’homme d’État soviétique Ponomarenko. Dès le départ, le ton est donné, Henri Van Herwegen n’est pas un artiste comme les autres. Talentueux dès le plus jeune âge, il entre à l’Académie des Beaux-Arts d’Anvers alors qu’il n’a que 15 ans, puis après un passage par le pop art se lance rapidement dans le projet qui allait animer sa vie : ses fameuses machines. La première serait née au cœur des années 1960. Des chaussures à semelles magnétiques censées pouvoir nous permettre de marcher au plafond. Dès le départ, ses idées hors du commun et ses travaux détonnants captent l’attention de ses pairs, à l’image de l’artiste Marcel Broodthaers qui le considérait comme le plus grand artiste belge de son époque, ou de Joseph Beuys qui lui offrait sa première exposition. Mais c’est en 1972 que tout décolle pour celui qui allait créer des avions incapables de s’envoler loin du plancher des vaches. Le commissaire d’exposition Harald Szeemann le sélectionne alors pour la 5ème édition de la documenta de Kassel où Panamarenko décidera de présenter son œuvre créée quelques années plus tôt, l’Aéromodeller. Un projet surdimensionné, présentant un dirigeable mesurant 27 mètres de long, affublé d’un panier en osier attaché à un ballon en PVC. Dans les faits, selon l’artiste, une dizaine de personnes pourraient y embarquer pour un voyage. Mais en observant la création, merveille artistique mais objet volant fragile, nous comprenons qu’il ai préféré établir ses quartiers au musée d’art contemporain de Gand, le SMAK, plutôt que s’envoler vers les nuages. Une exposition qui allait lancer la carrière de l’artiste belge, et donner le ton de ses créations pour les années à venir.

Oeuvre de Panamarenko, objet métallique

Turbo Jet Engine Aladin, 1987

Machines merveilleuses 

La comparaison avec De Vinci et Jules Verne est presque trop évidente, mais il est difficile d’y résister. Au fil des ans, Panamarenko multiplie les machines et étranges objets, construisant des fusées, des avions, sous-marins et autres soucoupes volantes, nous donnant envie d’embarquer pour un voyage autour du monde sur un de ses tapis volant. Artiste sans aucun doute, mais aussi ingénieur et surtout rêveur, il fascine autant qu’il surprend, nous laissant sans cesse douter sur la nature de ses créations. Il navigue alors entre deux mondes: un technicien scientifique aux projets poétiques, un artiste aux grandes connaissances techniques, il est pour faire simple tout simplement inclassable.  Son imagination sans limite couplée à ses connaissances scientifiques en font un De Vinci des temps modernes, alliant l’art et la science dans un projet unique et résolument hors du commun au 20ème et 21ème siècle.

Page encadrée, écrite par Panamarenko

Studieschetsen Motor Pastilles, années 1990

Une sélection d’oeuvres pour plonger dans son univers

La galerie Wilde de Genève nous invite à plonger tête la première dans cet univers entre onirisme et science à travers une sélection d’œuvres parfaitement représentatives du travail de l’artiste au fil des ans. Sur les murs nous retrouvons des pièces précieuses : ses dessins préparatoires, le lieu où il couchait sur le papier ses idées folles, ses projets complexes, avant de les mettre en pratique et de tourner ses rêves en réalité. C’est ici que nous nous rendons le mieux compte de la complexité de l’esprit de l’artiste, sans doute aucun, divisé entre travail scientifique et vision esthétique, allant encore plus loin en interrogeant le réel. Sur le papier, des notes, des nombres, la recherche des matériaux, démontrent le désir de la création d’un objet allant plus loin que le paraître de l’art. Parmi les pièces présentées à la galerie, nous retrouvons un objet phare créé en 2003, intitulé Donnariet, présentant un sous-marin aux allures de poisson ou de mammifère marin, mais dans lequel nous nous glisserions volontiers pour un tour dans les abysses. Car c’était cela en réalité la force de Panamarenko, cette capacité à créer un monde imaginaire, les artefacts d’un rêve dans lequel nous rêvons de nous glisser.

Panamarenko

Jusqu’au 27 octobre 2022, Galerie Wilde, Rue du Vieux-Billard 24, 1205 Genève, https://wildegallery.ch/artists/panamarenko-wilde-gallery/