Open end: art au cimetière des Rois, bis

Parabolic light d’Olafur Eliasson

Aux côtés de Calvin ou Emile Jacques Dalcroze, l’art se réinvite au cimetière des Rois dans le cadre d’une deuxième mouture de l’exposition Open End. Après une première manifestation consacrée à revisiter les rituels, cette édition tourne son regard sur la confrontation entre les technologies énergivores et l’effondrement des ressources et choisit le double thème de l’immortalité et de l’environnement. Open End convie à la méditation et à la réflexion sur l’évolution de nos sociétés et les enjeux de notre temps dans un lieu de mémoire et de passage. Au total 17 œuvres surprenantes et inspirantes dont 3 immatérielles sont à découvrir jusqu’à fin mars! 

 

La thématique de l’immortalité

La biotechnologie et les entreprises comme Alphabet investissent des milliards dans la recherche pour le prolongement de la vie, voire l’immortalité. La vidéo-installation de Mauro Losa traite de la quête biotechnologique de l’immortalité de façon ironique. À quoi bon ne pas mourir si le prix à payer est celui de ne jamais naître ? C’est désormais une non-vie dont on se réjouit … pourvu qu’elle soit immortelle! Olafur Eliasson nous invite également à la contemplation dans son œuvre frappante Parabolic Light qui joue avec les perspectives jusqu’à provoquer un certain vertige. Cette dernière évoque le thème de la vanité humaine face à la mort avec la bougie qui devient le point de convergence et la clé de voûte pour penser ensemble les problématiques de la finitude des ressources et de l’immortalité dont il est question. Au milieu du cimetière, une tombe semble s’être déplacée. Inspirée par la Dead Valley et de ses pierres qui semblent inexplicablement se déplacer toute seules dans le désert et, de l’autre, de la pratique des burnouts, consistant à consommer les pneumatiques des voitures dans des boucles sur place en laissant des traces sur l’asphalte, Sandrine Pelletier reproduit dans le cimetière un phénomène semblable. Un parallèle avec nos trajectoires existentielles appelle à une réflexion spéculative sur les forces mystérieuses qui nous poussent, nous gouvernent, nous consomment.

 

La thématique de l’environnement

Il est presque impossible de ne pas passer à côté de l’œuvre Zaouïa 504 – 2022, d’Eric Van Hove, une Peugeot 504 break à l’allure des Reikyüsha japonais, mais réalisée en style maghrébin par des artisans marocains. Sur le plan formel, un manifeste bauhaus post-capitaliste et une critique aux aspects les plus aplatissants de la globalisation. Sur le plan culturel, l’œuvre affronte la thématique de l’hommage et du rituel comme actes de mémoire, de présentation, voire d’ostentation de l’irreprésentable. Celui-ci s’incarne ici dans un objet-réceptacle dont le cœur occulté, le secret maintenu, est le fruit unique de son voyage singulier.   

Quelques mètres plus loin, deux tombes en marbre de Carrare, posées à même le sol, l’une à côté de l’autre, sont sculptées jusqu’au moindre détail et représentent fidèlement des bouts de bois en putréfaction. Par sa technique sculpturale minutieuse, portant sur le détail et la subtilité, Gillabert mime la volonté de restituer au regard la complexité infinie de la nature et du corps dans Bois Mort. Ce faisant, il nous invite à contempler la mort comme étant un phénomène métabolique toujours en acte, comme étant un pur processus de transformation sans fin. Au bout d’un chemin dans le cimetière, une photographie d’un lit improvisé où l’on reconnaît l’absence de quelqu’un ayant à peine dormi, est suspendue au vent. Le marbre gravé est ancré dans le sol avec le message d’espoir de l’écrivain grec Nikos Kazantzakis : « Je n’espère rien, je ne crains rien, je suis libre ». Ici, le regard photographique de Vanna Karamaounas cherche à documenter ces formes de vie vulnérables et exposées aux dérives déshumanisantes de la société humaine pour témoigner d’une force, d’une liberté et d’une souveraineté qui s’opposent au processus d’extraction de valeur que le système opère sur la vie. On termine l’exposition sur le banc tout en torsions à 180 degrés de Philippe Cramer, qui met en perspective notre rapport à la mort et nous invite à une expérience. Assis sur ce banc, nous incarnons tantôt les vivants qui contemplent le cimetière en le considérant comme la demeure des défunts enterrés, tantôt nous nous percevons comme appartenant à ce règne d’en bas, projetés momentanément dans le monde des vivants pour en témoigner, pour respirer un coup d’air frais et contempler en silence! Amen. 

Open End Renogociation
Jusqu’en mars 2023
Cimetière des Rois, 1204 Genève
https://open-end.ch