Martin Brudnizki : maestro du maximalisme

Difficile de se lasser de Martin Brudnizki, starchitecte d’intérieur habillant habilement des lieux qui jamais ne laissent indifférent. Ses deux derniers coups d’éclat, première pour lui à Paris? L’hôtel La Fantaisie et le Grand Mazarin. Close-up sur ses deux projets hôteliers qui nous ont transporté dans l’univers du gourou suédois de la décoration d’intérieur.

La façade de l’hôtel la Fantaisie dans le 9ème arrondissement ©La Fantaisie

Ruelle animée pour hôtel coloré
Sise dans le quartier arty du 9ème, pris en sandwich entre Pigalle et les Grands Boulevards, la Fantaisie offre une vie nocturne et diurne des plus grisantes. Sa bâtisse moderniste vert olive, revêtu de zinc prépatiné (par les architectes français Petitdidierprioux), occupe un vaste espace dans la relativement petite rue Cadet, une ruelle à l’architecture éclectique qui oscille entre d’élégants appartements du XIXe siècle et des portes furtives révélant une cour. La bravade simple de la façade audacieuse, ponctuée par des éclats d’auvents de couleur canari en font une déclaration intrigante pour une odyssée hôtelière des plus surprenantes. 

Le hall d’entrée conviant immédiatement dans l’univers coloré de Martin Brudnizki © La Fantaisie

Eden végétal
Ce nouveau spot se dévoile tel un havre de verdure où les couleurs pastel et les imprimés floraux règnent en maître. Les teintes vertes et les imprimés botaniques rampent comme des vignes, débordant littéralement de feuillage et de couleurs, du restaurant avec son jardin jusqu’au toit-terrasse, summum du jardin fleuri, surplombant le Sacré-Cœur. Ici, Martin Brudnizki traduit la riche histoire horticole du quartier en rendant hommage aux maîtres jardiniers de Charles XI: Jean et Jacques Cadet, qui au XVIème siècle transforment la rue à l’extérieur du bâtiment d’un humble sentier piétonnier en l’un des tronçons les plus pittoresques du Faubourg-Montmartre. Ainsi, l’architecte d’intérieur suédois célèbre cet héritage en parcourant le récit bucolique tout au long, de la palette de couleurs influencées par la nature – jaune canari, teintes verdoyantes et touches de rose et de terre cuite – aux plafonds recouverts de papier peint botanique luxuriant. Dès le hall d’entrée, les murs en raphia neutre contrastent avec un tsunami d’imprimés, de tissus et de meubles rappelant Palm Springs. Aucune sphère, pas même le plafond, n’est exempte de la touche théâtrale de Brudnizki. On est happé par cette ode colorée au monde naturel. Le cœur du hall est un salon magnifiquement confortable honorant les salons littéraires de Paris. Les espaces communs sont clairement les plus éblouissants. La même flamboyance artisanale déborde dans le restaurant Golden Poppy qui dévoile une salle dont les murs jaune soleil, les banquettes de brocart fleuri, les chaises de style véranda et le site légèrement surréaliste d’un arbre émergeant d’un parterre de fleurs central évoquant une rêverie californienne en mode années 1950. Ici, Brudnizki a choisi un mélange de rotin, de sisal et de cuir tressé pour les menuiseries autour de la pièce afin de mettre en valeur le concept botanique naturel du design et de la nourriture. La cour, elle, a été travaillée en collaboration avec un architecte de jardin, et comporte des coins confortables offrant intimité aux invités.

Le jardin de l’hôtel, véritable paradis botanique au coeur de Paris © La Fantaisie

Dominique Crenn: cuisine audacieuse
Le restaurant de l’hôtel a été confié à la cheffe triplement étoilée Dominique Crenn qui inaugure son premier restaurant dans l’Hexagone en y menant une politique zéro déchet et en dévoilant un menu pescatarien donc sans viande. Eh oui, ici le poisson est le héros! Au menu de cette audacieuse collaboration aux influences californiennes? Un Okonomiyaki revisité (galette japonaise), des crêpes à la banane escortée de caviar d’osciètre fumé, un flan de poutargue et sans doute le zénith de la liste – un ceviche de bar qui n’a nullement fait languir notre langue de plaisir! Mention spéciale aux nombreux produits de première nécessité comme le pain, les pâtisseries et les fleurs provenant des commerces voisins de la rue Cadet. Autre spot privilégié à ne pas rater? Le rooftop sis au 7ème étage qui bordé d’oliviers et de figuiers offre une autre vue, celle du paysage aérien de Paris! Attention places limitées très convoitées.

Le Golden Poppy, restaurant de la Fantaisie chapeauté par la cheffe Dominique Crenn ©La Fantaisie

Nuitées chamarrées
L’hôtel comprend 63 chambres et 10 suites. Chaque étage de l’hôtel se présente comme une fleur qui se déploie. Les chambres reprennent la même inspiration de couleurs mais avec une note plus posée. C’est ici que ressortent les œuvres d’art et les détails de conception qui font la renommée de Brudnizki. On y découvre – les yeux béats – entre autres des tapis et moquettes sur mesure signés Pierre Frey, des céramiques de la marque danoise Hay et de l’artiste français Daniel Milliner, des lampes en céramique sculptées recouvertes de nénuphars de ND Dolfi, basé à Florence, des peintures d’artistes dont ceux de la star suédo-tunisienne Zahra Holm et la sud-africaine Mafalda Vasconcelos. Dans les tiroirs et le minibar? Du choco vegan, des gratte-langues ayurvédiques de Cosmic Dealer et l’élixir de sommeil de L’Officine Botanique nous attendent. Notre coup de cœur? La spacieuse suite penthouse incarnant la quête d’une retraite urbaine imprégnée de nature grâce à une terrasse suffisamment longue pour justifier une petite promenade bordée d’une bordure bucolique de fleurs sauvages ressemblant à une prairie. On craque pour la baignoire complètement décadente donnant sur le pont. La vue y est enchanteresse! On pourrait y passer la nuit à contempler le projecteur à faisceau de la Tour Eiffel parcourant le ciel comme un phare fantomatique et évoquant le sentiment onirique d’être seulement amarré au milieu de la ville lumière.

La suite et sa terrasse ©la Fantaisie

Rejetant les formalités parfois étouffantes des hôtels de luxe classiques du triangle d’or parisien, La Fantaisie se dévoile comme une porte d’entrée délectable vers les délices bohèmes du 9ème arrondissement, paradis de la flânerie. Mention spéciale à l’un des meilleurs marchés aux puces du dimanche matin de Paris qui se trouve à 2 encablures de l’hôtel. 

Vue en plongée de la terrasse ©Sortir à Paris