L’ouragan Khaite

©Khaite

Le journaliste Eric Wilson s’interrogeait avec inquiétude dans un article du New York Times paru en septembre 2013, sur la future disparition de la fashion week de New York. Sept ans plus tard, les prédictions du rédacteur semblent se vérifier. De nombreux shows sont délocalisés outre-atlantique, les défilés remplacés par des présentations, les grands noms presque tous disparus des rues new yorkaises. Si pour certains le départ des designers majeurs et la réduction du nombre de défilés sont considérés comme une catastrophe et le symbole de la fin de la mode américaine, pour d’autres c’est un grand ménage qui laisse la place à des idées fraiches, à de nouveaux visages, de nouveaux noms. Parmi ces nouvelles têtes, Catherine Holstein, une figure montante qui a saisi cette aubaine et à l’inverse des médias américains se réjouit de cette fin, qui en réalité, n’est que le signe d’un nouveau départ. Portrait d’une créatrice qui est parvenu à faire renaitre le phoenix de ses cendres.

Instagram et simplicité

Beaucoup d’entre nous l’ont découverte pour la première fois sur les réseaux sociaux. Une photographie prise par un paparazo a tout fait basculer, et nous rappelle avec une énorme claque qu’aujourd’hui l’impact d’une image diffusée sur Instagram relègue les critiques de mode spécialisés au rang de has been. La photo ? Katie Holmes, hélant un taxi dans les rues de New York vêtue d’une brassière et d’un gilet assorti en cachemire. Une publicité gratuite qui change la vie d’une marque et de sa créatrice pour les propulser sur le devant de la scène : Catherine Holstein, à la tête du label Khaite. Marque encore niche avant cette photographie, aujourd’hui il devient difficile d’échapper à Khaite qui est rapidement adoubée par le public, en faisant une des marques phares de l’hiver 2019-2020. Au-delà de ce coup marketing non planifié, la designer arrive sur la scène au bon moment, alors que les marques italiennes ne cessent de jouer la carte de l’extravagance, et que l’élégance simple d’une certaine Phoebe Philo déserte Céline. Catherine Holstein apparaît comme une figure du retour au source, proposant des pièces luxueuses, qualitatives, et avant tout adaptées au quotidien des femmes d’aujourd’hui. Le maître mot de ses créations ? Un minimalisme chic et terre à terre. Dans ses collections, des pièces basiques, des essentiels de la garde-robe qui vous suivront toute une vie, indémodables et correspondant à chaque femme à une période où les critères de choix se durcissent et où chacune souhaite changer le monde. Après avoir fait ses armes chez Vera Wang et GAP, elle se lance alors en 2016 pour répondre à ce désir en créant des pièces d’une élégante simplicité qui rappelle l’esthétique adorée de Phoebe Philo. Des jeans coupés à la perfection, des cachemires d’exception travaillés dans des coupes à la fois basiques et originales, et des pantalons au tombé parfait pour toutes occasions. C’est ainsi que commence l’aventure Khaite, et en seulement quatre ans la créatrice new yorkaise parvient à nous convaincre que nous devrions piocher dans ses collections pour totalement refaire notre garde-robe.

©Khaite, collection Printemps-Eté 2019

Une identité intemporelle

C’est un chic sans effort qui se dégage de ses looks, des pièces qui s’assemblent entre elles comme un puzzle aux milles combinaisons. Une chemise à la fois travaillée et simple qui vient s’ajouter à un jean à la coupe impeccable et au confort sans pareil, un pull en cachemire négligemment jeté sur les épaules, Khaite a réussi le pari de créer bien plus qu’une marque, mais un univers auquel nous rêvons d’appartenir. Ses looks à la fois cool et originaux partagent également le désir d’une mode adaptée à toutes, peu importe l’âge, la taille, ou encore la vie. Une femme au foyer, une businesswoman, une étudiante, une retraitée, il est aisé de s’imaginer toutes les femmes qui viennent colorer notre monde dans les vêtements de Catherine Holstein. Personnage encore énigmatique, la jeune créatrice n’en révèle que peu sur elle-même à travers ses créations, car elle dessine une garde-robe universelle, mais raconte le début de son aventure avec une candeur exquise. Pour elle tout a commencé par une frustration. Où pouvait-elle acheter ces vêtements qu’elle aurait envie de mettre tous les matins, qui lui donneraient une allure à la fois habillée et décontractée, qui seraient d’une qualité sans défaut, intemporels, qu’elle pourrait emprunter à sa mère, à sa soeur, à ses amies, des pièces qui auraient une identité sans vraiment en avoir ? Nulle part. Alors elle s’est lancée, et la suite de l’histoire nous la connaissons.

 

©Khaite, Collection Resort 2019

 

La mode new yorkaise renait de ses cendres

Figure du renouveau de la création américaine, Catherine Holstein se démarque également par son amour pour la mode new yorkaise et sa fashion week. Si nombre de journalistes nous prédisent depuis plusieurs années la fin de la mode sur la côte Est avec le départ de tous les grands designers préférant présenter leurs collections de l’autre côté de l’Atlantique, une myriade de jeunes designers, à l’image de Catherine Holstein, profitent de cette envolée de moineaux pour faire leurs nids. En réalité, à ses yeux cette ville est le lieu parfait pour présenter une collection jeune et ancrée dans le réel, « C’est une ville démocratique, et le départ de tous ces créateurs nous laisse l’opportunité d’exprimer nos idées », déclarait-elle après son dernier défilé. « Je suis fière de présenter à New York » ajoute-elle, expliquant que cette ville sera le lieu de naissance des futurs leaders du milieu, un lieu qui fait malgré lui table rase du passé pour laisser s’exprimer un futur plus démocratique et terre à terre, une mode qui retourne à l’essentiel.

©Khaite, Pre-Fall 2019

À travers ses collections présentées durant la semaine de la mode, elle témoigne d’un besoin de retour à la réalité, flagrant, douloureux parfois, ôtant toute magie à l’univers de la mode pour revenir à l’essentiel. Pour recommencer à apprécier le vêtement, à vivre dedans, à rire, pleurer, travailler, chanter, aimer, dans ces pièces en cachemire, ces chemisiers aux imprimés à la fois 80’s et futuristes, ses jeans qui ne passeront jamais de mode. Catherine Holstein nous assure alors que la relève est bien là, que cette mode universelle, intemporelle, qui nous fait à la fois rêver par sa beauté tout en nous ramenant dans le monde réel par sa simplicité, nous promet de faire revivre la mode new yorkaise, et de dévaler sur le monde entier comme un ouragan de féminité et d’effortless chic. Le phoenix de la mode américaine à maintenant un nom, Khaite.

khaite.com