L’irrévérence surréaliste s’installe au MCBA

© Mario Prassinos

Après le MUDAC et Photo Élysée, c’est autour du MCBA – Musée Cantonal des Beaux-Arts de Lausanne – de présenter sa nouvelle exposition ancrée dans l’univers surréaliste. Dernier volet d’un triptyque qui vient célébrer les 100 ans de la publication du manifeste surréaliste, il s’articule autour d’une thématique chère aux porteurs de cette mouvance, le jeu. Plus grande exposition consacrée à ce mouvement par le musée vaudois depuis les années 1980, Surréalisme – Le Grand jeu rassemble une soixantaine d’artistes, appartenant au mouvement du 20ème siècle, mais aussi des créateurs contemporains, témoins vivants de l’influence continue de cette mouvance. Immersion dans un univers ludique où nos repères sont chamboulés, où la réalité devient surréaliste. 



Bref retour sur l’histoire d’un mouvement iconique 

1924 marque un véritable tournant dans le monde de l’art. C’est en cette année qui allait marquer l’histoire que paraît le manifeste surréaliste. Un ouvrage rédigé par André Breton qui allait poser les jalons d’une mouvance artistique transcendant les médiums et les arts. Comme nous le démontrent le MUDAC et Photo Élysée, le surréalisme trouva sa place dans la photographie, mais aussi dans le design, l’architecture, la décoration d’intérieur. Une omniprésence qui prend sa source en littérature, et s’étale rapidement dans l’univers des arts visuels. Parmi les nombreuses thématiques récurrentes à ce mouvement, le jeu se fait central. Si au départ il n’est qu’une activité commune aux acteurs du surréalisme, il devient rapidement le symbole de la mise au banc des règles, d’une volonté d’aller à contre-courant. Comme nous le confient les responsables de l’exposition à quelques jours de son dévoilement au public, « le premier étage aborde le jeu dans ses multiples aspects, tant récréatif que subversif ou poétique et montre à quel point celui-ci a constitué un mode d’être au monde ». Un pivot central qui englobe tout autant le surréalisme historique que les artistes contemporains, toujours et encore influencés par cette mouvance, un siècle après sa naissance. 

© Ithell Colquhoun

Des pièces emblématiques du 20ème siècle
Divisée en deux temps, l’exposition du MCBA nous propose tout d’abord de nous plonger dans l’histoire de ce mouvement à travers des artistes et des œuvres ayant contribué à sa fondation et à son développement. Les grands noms que nous attendions sont bien au rendez-vous, avec notamment une toile de Dali dont le titre reflète le contenu : Cygnes reflétant des éléphants. Pour aboutir à l’œuvre de  cet artiste emblématique de cette période, les commissaires de l’exposition nous entraînent dans un voyage à travers les nombreux symboles et éléments propres à ce mouvement artistique. Parmi ceux-ci, le jeu d’échecs qui se fait point de départ de la première partie de l’accrochage. Ce plateau est à la fois allégorie de la société, mais tient aussi un rôle de choix dans les révolutions esthétiques et idéologiques portées par le surréalisme comme l’expliquent les commissaires du MCBA : « Par le mélange d’éléments aléatoires et prévisibles, les échecs deviennent une métaphore de la stratégie surréaliste. Alors que Marcel Duchamp les conçoit comme un jeu contre l’ordinateur avant l’heure, Man Ray teste sa stratégie automatique de la « pensée désintéressée » sur l’échiquier. Les échecs sont le point de départ de cette section qui témoigne de l’engouement surréaliste pour les stratégies créatrices, de l’automatisme aux jeux d’enfants. ». Du jeu d’échecs nous passons à l’automatisme, puis à l’exploration des rêves, où la création inconsciente prend une place de plus en plus marquée au fil des ans. Des thématiques en nombre gravitent alors autour de l’univers du jeu au sens large, nous plongeant dans l’histoire de cette parenthèse de l’histoire de l’art, avant de nous emmener au deuxième étage où l’exposition se poursuit, et nous fait nous demander si vraiment, cette parenthèse s’est un jour renfermée.

©Marion Adnams

 

L’influence contemporaine se poursuit
Au second étage de l’exposition, le passé laisse place au présent avec une sélection d’œuvres contemporaines directement influencées par ce que lançait le manifeste du surréalisme en 1924. Un siège plus tard, ses thématiques et sa vision du monde sont encore cultivées par de nombreux artistes attirés par cette esthétique et cette pensée de l’irrévérence. « Les artistes rassemblé·e·s ici, bien que ne faisant pas explicitement référence au surréalisme historique, en sont néanmoins les petit·e·s-enfant·e·s indiscipliné ·e·s et courageux·se·s. L’exposition a été conçue comme un grand paysage où coexistent des propositions qui revitalisent la pratique du cadavre exquis dans un exercice de réconciliation entre le réel et l’imaginaire » nous explique-t-on. Parmi les artistes présents au second étage, Tristan Bartolini installé à Genève, Matthias Garcia, Maëlle Gross, ou encore Lou Masduraud. Une nouvelle génération qui nous rappelle que sans irrévérence, l’art perd son sens.

© Salvador Dali

Surréalisme – Le Grand jeu
Jusqu’au 25 août 2024

MCBA – Plateforme 10
Place de la Gare 16
1003 Lausanne
www.mcba.ch