L’irrévérence de Wim Delvoye au MAH

Wim Delvoye (1965)
Ball Track Venus Italica, 2023
© Studio Wim Delvoye

Le Musée d’Art et d’Histoire poursuit son cycle d’exposition confiant à des artistes triés sur le volet la réorganisation de ses collections. Après Jakob Lena Knebl, Jean-Humbert Martin, et Ugo Rondinone, c’était au tour de Wim Delvoye de s’emparer de l’institution genevoise. Artiste plasticien aux œuvres devenues instantanément emblématiques, il est aussi un collectionneur, un historien de l’art connaisseur, et un amoureux de l’objet. Une combinaison parfaite pour venir jeter un regard nouveau sur les collections du MAH, qu’il vient placer en écho à ses propres créations. Le directeur de l’institution, Marc-Olivier Wahler, lui donne alors carte blanche, et sans hésiter l’artiste anversois s’empare de l’espace. Pour les visiteurs, les surprises sont au rendez-vous avec ce plasticien au sens de l’humour bien aiguisé qui nous fait remettre en question la notion même du terme musée. Visite loufoque et décalée d’un espace réinventé

 

Oublier les codes
En pénétrant dans le musée, nous sommes accueillis par un champ de sculptures. Les marbres du Musées d’Art et d’Histoire viennent côtoyer les bronzes patinés de Wim Delvoye, des sculptures d’apparence classique, mais dont les corps se voient creusés d’un parcours dédié à accueillir des billes en acier. Le cadre est posé. En réalité, il disparaît. La carte blanche de l’artiste belge, intitulée “L’ordre des choses », se voit comme une remise en question totale de notre vision d’un musée, de nos attentes quant à ce qu’il renferme. L’irrévérence semble être le mot d’ordre dans cette exposition où l’humour est omniprésent, un morceau de l’ADN du travail de Delvoye qu’il a implanté depuis bien longtemps dans ses créations. Créateur sans frontière, il est l’artiste se cachant derrière des projets célèbres, à l’image de Cloaca ou encore de Double Helix. Lui laisser carte blanche au MAH, c’est accepter de changer l’ordre des choses. Ici les catégories séparant habituellement les objets dans un musée ne font qu’une, de précieuses œuvres d’art venant côtoyer les objets les plus banales du quotidien. Cet attrait pour le mélange, l’aspect cabinet de curiosité légèrement déjanté, est sans aucun doute dû au caractère collectionneur de Wim Delvoye. Grand connaisseur de l’histoire de l’art, c’est aussi sa passion pour les objets qui l’anime et vient remplir ses riches collections personnelles. « Il a une connaissance extraordinaire de l’art, plus profonde que celle de la plupart des artistes. C’est un grand collectionneur, dans le domaine de la numismatique, ou de la photographie chinoise par exemple. C’est aussi sa passion pour aller chercher dans les moindres recoins des choses que les gens auraient oubliées qui me fascine » note Marc-Olivier Wahler, directeur du MAH.

Room Vénus Italica Exhibition The Order of Things (2024) First “salle palatine” © Musée d’art et d’histoire de Genève, photo: Stefan Altenburger

Dédale irrévérencieux
Les billes que nous trouvions dans les sculptures de bronze accueillant les visiteurs dès l’entrée se font leitmotiv de cette exposition. Dans les premières salles du musée, nous les retrouvons dans un parcours allant du sol au plafond, conférant immédiatement un caractère ludique au musée. Une approche contradictoire, allant à l’encontre même de l’idée de silence, de contemplation, de sérieux, d’une telle institution. Les billes viennent alors passer au-dessus de nos têtes, puis sans gêne aucune traversent la copie d’un Picasso. Dans les salles suivantes, nous découvrons des œuvres polychromes perturbées par des personnages s’y étant invités, tandis que les salles des armures côtoient désormais les célèbres pneus créés par Delvoye. Dans une autre salle encore, c’est la boîte renfermant les œuvres que le belge décide de mettre en valeur. Des sarcophages côtoient ainsi des caisses de transport, venant nous rappeler avec humour qu’au final tous deux servent le même projet : protéger un objet. Une visite au musée qui nous fait repenser notre vision de l’institution, et nous rappelle avec humour que les hiérarchies ne sont que le fruit de l’Homme. À nous alors de les questionner.

Room Vénus et Adonis Exhibition The Order of Things (2024) Entrance hall © Musée d’art et d’histoire de Genève, photo: Stefan Altenburger

 

L’ordre des choses, Wim Delvoye
Jusqu’au 16 juin 2024

Musée d’Art de d’Histoire de Genève
Rue Charles-Galland 2
1206 Genève
www.mahmah.ch