Les Rouges Putes : poésie et cri collectif
Le Palais de Justice devient scène et symbole, les mots « une ombre, un corps » s’y projettent comme un manifeste visuel contre le silence © Isabelle Meister
En 2025, plus de vingt-cinq femmes ont déjà perdu la vie sous les coups en Suisse. Et pourtant, le mot féminicide reste relégué aux marges du débat politique, comme si le langage lui-même craignait de nommer la violence. Les chiffres officiels, eux, se font discrets, presque pudiques face à l’indicible. Dans ce silence institutionnel, des voix citoyennes s’élèvent. Le 25 novembre à 19h, sur la façade du Palais de Justice de Genève, les Rouges Putes feront entendre la colère et la dignité des survivantes, dans le cadre du Festival Les Créatives. Quarante femmes — avocates, infirmières, étudiantes, travailleuses du sexe — prêteront leurs voix aux poèmes enragés de Perrine Le Querrec, nés des récits de celles qui ont survécu. Un acte poétique et politique, à la fois cri et lumière. Coup de projecteur.
Cette performance est à la fois un cri collectif et un acte de mémoire : honorer les mortes, célébrer les survivantes et rappeler que le silence institutionnel ne doit pas effacer leurs histoires. La poésie devient ici arme et refuge, transformant la place du Bourg-de-Four en un espace de mémoire, de réflexion et de solidarité. Le choix du Palais de Justice n’est pas anodin : il symbolise à la fois l’institution et ses limites. En investissant cet espace public, les femmes rappellent que la protection et la reconnaissance légale des féminicides restent urgentes. Le happening promet un moment intense et visible, où art et engagement citoyen se rencontrent. Un rendez-vous pour écouter, réfléchir et prendre conscience de la gravité d’une situation encore trop souvent tue.
Lecture à la lumière des bougies : quarante femmes unies pour faire entendre les mots de Perrine Le Querrec, inspirés par les récits de survivantes © Isabelle Meister
Un chœur de femmes pour faire entendre les voix
Quarante femmes prendront part à cette performance, venues de tous horizons. Parmi elles, avocates, doctoresses, infirmières, enseignantes, étudiantes et travailleuses du sexe se réunissent pour former un chœur collectif, fruit d’un engagement personnel et politique. Certaines ont rejoint le projet dès sa création l’année précédente, d’autres ont été attirées par la force symbolique et émotionnelle de l’action. Ces femmes partagent un objectif commun : donner visibilité et voix à celles que la société peine encore à entendre. Chaque texte lu est porteur d’une histoire, d’un témoignage ou d’une émotion qui transforme la poésie en moyen de mémoire et d’action. La performance devient ainsi un cri collectif, mais aussi un moment de célébration et de reconnaissance pour les survivantes.
La poésie comme arme et refuge
Les poèmes de Perrine Le Querrec, furieux et incisifs, s’inspirent directement des témoignages de survivantes de violences sexistes. Leur force réside dans cette capacité à transformer le vécu personnel en un message universel, capable de toucher un public large. La poésie, ici, n’est pas seulement esthétique : elle devient outil de sensibilisation, instrument de mémoire et vecteur d’émotion collective. En mettant en voix ces textes, le chœur des Rouges Putes crée une expérience immersive. Les spectateurs et spectatrices sont invités à écouter, ressentir et réfléchir, confrontés à une réalité souvent tue par les institutions et les médias traditionnels. L’intensité des lectures permet de rendre palpable la gravité des violences sexistes et la force de la résistance féminine.
Les Rouges Putes, performance collective sur les marches du Palais de Justice de Genève, le 25 novembre 2025, dans le cadre du Festival Les Créatives © Isabelle Meister
Le Festival Les Créatives : un cadre propice
Le happening s’inscrit dans le Festival féminin et féministe Les Créatives, qui rassemble des initiatives artistiques autour des droits des femmes et de l’égalité. Le festival offre une visibilité accrue à des projets souvent marginalisés et permet de mettre en valeur le lien entre création artistique et engagement social. À travers ce cadre, cette manifestation des Rouges Putes se situe dans une dynamique plus large : celle de l’art au service de la mémoire, de la réflexion et de l’action citoyenne. Les spectateurs peuvent expérimenter une immersion émotionnelle et intellectuelle, tout en prenant conscience de l’importance de la lutte contre les violences sexistes. Et cette année, ce festival féministe fête sa 21e bougie.
Par cette libération de la parole, Les Rouges Putes rappellent que la mémoire, la voix et la visibilité des victimes sont essentielles. La poésie, la performance et la mobilisation collective transforment un espace public en lieu de réflexion, de solidarité et de revendication.
Le 25 novembre, le Palais de Justice ne sera pas seulement un bâtiment institutionnel : il deviendra le théâtre d’un cri collectif, un moment où l’émotion, l’art et la mémoire se rejoignent pour interpeller la société et ses institutions. Le happening offre une occasion unique d’écouter, de réfléchir et de se mobiliser, tout en célébrant la force et la diversité des femmes.