Les mystérieuses Tschäggättä du Lötschental

© Christian Pfammatter

Il existe dans la vallée isolée du Lötschental, en Valais, de drôles de créatures carnavalesques qui défilent chaque année à travers les étroites ruelles du village au début du mois de février. Ces effrayants personnages, communément appelés Tschäggätta, arborent des costumes traditionnels composés de masques en bois d’arolle aux expressions monstrueuses, de vêtements fabriqués d’assemblages de peaux de mouton ou de chèvre et d’une ou plusieurs cloches de vache suspendues à la ceinture. Persistante depuis plusieurs siècles malgré les changements socio-économiques dans la région, cette singulière coutume folklorique suisse demeure encore aujourd’hui mystérieuse. 

 

Les origines des Tschäggättä ne sont pas connues. Concernant l’étymologie, le terme « Tschäggätta » dérivé du terme « Roitschäggäta » est peu clair. Roitschäggäta signifierait « rohe Hexe » (grossière sorcière). Dans le dialecte local, le terme Tschäggätta sert à désigner une femme un peu simple et le mot s’emploie aussi pour qualifier une personne à l’aspect extérieur désordonné. 

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Le Carnaval du Lötschental débute toujours le lendemain de la Chandeleur (cette année : le 2 février 2021) et se termine la veille du mercredi des Cendres. Les participants défilent toutes les journées jusqu’à 18 heures sauf les dimanches. Lors des défilés, les participants arpentent les ruelles du village en effrayant les gens et en les recouvrant de suie avant de les jeter dans la neige. Ils s’en prennent particulièrement aux personnes non-déguisées, aux enfants et aux jeunes filles. Afin de ne pas être reconnus, ils ne parlent jamais mais mugissent parfois comme des animaux et se contentent généralement de faire le plus de vacarme possible à l’aide de leurs cloches pour terroriser les habitants et créer un maximum d’effet. Autrefois, cette parade carnavalesque était exclusivement réservée aux hommes célibataires de la région. Peut-être que l’origine de cette tradition est d’ordre matrimoniale ? Rien n’en est moins sûr puisque d’aucuns affirment que le défilé des Tschäggättä sert plutôt à chasser les mauvais esprits. Différentes théories sont avancées pour expliquer le développement de cette tradition mais les folkloristes comme les habitants de la vallée ne sont toujours pas parvenus à clarifier les origines des intrigantes Tschäggättä. 

© Christian Pfammatter

Dès les années 1950, la tradition des Tschäggättä évolue et le Carnaval subit d’importants changements. À présent, les hommes ne sont plus les seuls à avoir le droit de porter le costume traditionnel et le comportement des participants s’est rigoureusement adoucit. Les Tschäggättä, devenues moins agressives et moins spontanées, ne sont plus aussi effrayantes qu’auparavant. Bien que le déroulement du carnaval ait passablement changé, la persistance de cette coutume permet la transmission d’un savoir-faire artisanal qui demeure constant à travers le temps. Ainsi, la vallée compte encore aujourd’hui une trentaine de sculpteurs de masques. À noter qu’il faut environ une semaine à un sculpteur pour façonner un seul masque. 

Aujourd’hui, les Tschäggätta font parties du paysage culturel et folklorique suisse. Chaque année, des curieux toujours plus nombreux se rendent dans la région afin d’assister à cette étonnante manifestation. Le mois dernier, en raison du coronavirus, le traditionnel cortège du samedi gras n’a pas pu avoir lieu. Nonobstant, les habitants du Lötschental ont toutefois enfilé leurs costumes pour défiler dans les rues par petits groupes et enchanter (ou terrifier) les habitants confinés de la vallée. Assurément, il faudra plus qu’une pandémie pour rompre cette tradition valaisanne vieille de plusieurs siècles !