Le Piano Illustré de Léo Tardin

Leo Tardin X Caran d’Ache ©DR

Parfois, la créativité prend des détours inattendus. Après trois décennies de dévouement à la musique, Léo Tardin redécouvre le dessin, sa première passion. Mais plutôt que de choisir, il combine les deux dans son nouveau projet Le piano illustré. Une performance qui marie le son et l’image, grâce à une collaboration avec Caran d’Ache et Vérone Enrico Terragnoli. Immersive et inédite, cette expérience sonore enveloppe le public avec 36 haut-parleurs. C’est dans le cadre du le festival Jazzcontreband que Léo Tardin se produira le 12 octobre à la salle Ansermet, précédé d’une master class ouverte au public. 

 

Comment décidez-vous de marier la musique et le dessin ?
Le dessin a toujours été une autre grande passion pour moi, en parallèle de la musique, dès l’enfance. À l’adolescence, j’ai mis le dessin de côté pour me concentrer entièrement sur la musique, pensant que c’était le chemin à suivre pour réussir. Mais pendant le confinement lié au Covid, j’ai ressenti le besoin de rester actif artistiquement. C’est à ce moment-là que j’ai reconnecté avec le dessin, notamment lors de promenades où j’ai été profondément touché par la nature, et en particulier les végétaux. J’ai voulu offrir au public une autre dimension en l’invitant à entrer dans mes illustrations, à voir le monde comme je le voyais à travers mes yeux.

Leo Tardin en plein processus de création artistique ©DR

Comment les dessins interagissent lors de vos performances ?
Dans une performance, il y a une dizaine de compositions musicales et de dessins. Pour réussir à synchroniser le tout, j’ai collaboré avec un programmeur qui m’a aidé à développer un système de gestion des dessins en temps réel pendant que je joue grâce aux pédales. Chose que je n’ai pas trouvé dans le marché. C’est un processus qui s’inspire du stop-motion, où l’évolution du dessin se fait image par image, sans ordre particulier.

Le dessin et la musique vous procurent-ils des émotions différentes ?
J’ai la chance de pouvoir passer de l’un à l’autre, ce qui me permet de retrouver une certaine fraîcheur à chaque fois. J’ai parfois l’impression de ressentir l’excitation d’un adolescent quand je change de discipline. Cependant, je n’aime pas voir l’art comme un simple exutoire. En musique, j’ai parfois l’impression de m’oublier, car elle est très liée à l’expression de mes émotions personnelles. Le dessin, en revanche, est plus terre-à-terre : je reproduis ce que je vois. Alors que dans la musique, j’invente et je crée. Cela me pousse à explorer plusieurs niveaux de création.

Comment vos performances ont-elles évolué depuis vos débuts ?
Au début, j’étais plus insouciant, car j’avais la chance d’être accompagné par un label. Depuis peu, je dois m’occuper de tout, ce qui a changé ma manière d’aborder les performances. Par exemple, quand je pars en tournée, j’ai plus d’appréhension qu’avant : est-ce que l’avion va avoir du retard ? est-ce que l’accoustique de la salle sera opérationnelle ? le projecteur serat il à la hauteur ? Cela dépend aussi du projet. Quand je joue avec d’autres artistes, mon rôle peut être plus léger. Mais pour le « Piano Illustré », je gère tout et suis au centre de l’attention.

Leo Tardin ©DR

Vous vous qualifiez de « monomane ». Pensez-vous qu’il est nécessaire de se concentrer sur une seule passion pour réussir ?
Non, c’était une vision simpliste que j’avais adolescent. Se concentrer sur une seule chose te spécialise, mais tu peux aussi manquer d’épanouissement si tu négliges d’autres aspects. J’ai eu la chance d’être encadré par un producteur, ce qui m’a permis de me focaliser sur la musique sans me disperser. Mais aujourd’hui, je réalise qu’explorer plusieurs disciplines enrichit ma créativité.

Pouvez-vous nous parler de votre résidence à Venise et de la sonorisation développée spécialement pour l’occasion ?
Lors de ma résidence à Venise, dans le cadre de Pro Helvetia, j’ai eu l’opportunité de collaborer avec Enrico Terragnoli, un artiste italien et excellent guitariste et compositeur. Nous avons travaillé ensemble sur l’orchestration musicale, avec un focus particulier sur la texture sonore. Ce travail a permis d’enrichir mes performances en solo grâce à l’ajout des compositions d’Enrico, qui venaient compléter certaines de mes illustrations. Cette résidence a été un moment précieux, car elle nous a permis de prendre le temps de peaufiner chaque détail, chose rare dans le cadre d’une création collaborative.

Vous avez mentionné l’idée de jouer dans des salles à 360 degrés. En quoi cela changerait-il vos performances ?Il existe environ 2000 globes dans le monde, équipés pour ce type de projection immersive, dont deux à Genève (au CERN et aux Nations Unies). Je pense que les performances visuelles en direct dépasseront de plus en plus le simple écran plat. Projeter dans un globe demande la création de contenu visuel en très haute résolution, ainsi qu’une adaptation du programme que j’utilise actuellement pour gérer le défilement des images via des pédales. Le format des illustrations doit également être modifié pour s’adapter à ce type de projection, ce qui influence aussi le contenu artistique en lui-même.

 

Léo Tardin « Le piano illustré »
Le 12 octobre 2024 à 20h30

eMa, Auditorium Ansermet
Festival Jazzcontreband
Master class : 17h, ouverte au public
https://jazzcontreband.com