Le Musée Marmottan Monet dans de beaux draps

Jean Cocteau
Vingt-cinq dessins d’un dormeur, 1929In-quarto, 27,5 × 20,9 cm
Paris, collection Patrick Mauriès © Studio Christian Baraja SLB

Fermez les yeux, l’exposition commence! Au Musée Marmottan Monet, « L’Empire du Sommeil » explore toutes les faces de la nuit : la tendre sieste, la torpeur amoureuse, le sommeil divin, les songes surréalistes ou les cauchemars somnambules! De Goya et ses Sommeils à Courbet et sa Voyante, de Monet et son bouleversant Camille sur son lit de mort à Vallotton, peintre des intimités troubles, ou encore Millais, poète du sommeil enfantin — chacun fait de la nuit son miroir, et du lit son autel. Plongée dans le royaume des paupières closes, où on croise des dormeurs lascifs, des nymphes en apnée, des dormeuses d’un autre monde.

Quand l’esprit décroche, les artistes s’accrochent
Du XIXᵉ siècle à nos insomnies contemporaines, le sommeil obsède et fascine. Entre Hypnos et Thanatos, l’un endort, l’autre fauche — mais les deux inspirent. Qu’on y voie la petite mort ou le grand repos, il reste ce théâtre où tout peut arriver, même ce qu’on n’a pas rêvé.

Félix Vallotton (1865–1925) Femme nue assise dans un fauteuil, 1897 Huile sur carton marouflé sur contreplaqué 28 × 27,5 cm Grenoble, musée de Grenoble © Musée de Grenoble – J.-L. Lacroix

Au Musée Marmottan Monet, le sommeil sort enfin du lit pour s’exposer en majesté ! Entre draps froissés et toiles somnambules, l’art rêve tout haut, le corps s’endort en beauté et la conscience s’accorde une trêve. D’un Ingres sculptant le repos en perfection à un Redon qui lui donne des ailes, d’un Vuillard murmurant entre rideaux et silence à un Bonnard baignés de lumière matinale, jusqu’aux rêveuses lunaires de Paul Delvaux — la nuit s’y décline dans toutes ses nuances, entre chair, mystère et clair-obscur. Et comme un écho littéraire, Jean Cocteau s’invite lui aussi dans le songe, avec Les 25 dormeurs, procession poétique d’âmes assoupies où l’on ne sait plus très bien qui veille, qui rêve et qui invente. Ici, on rêve en technicolor et on s’endort en beauté — là où le sommeil devient spectacle et la nuit, chef-d’œuvre.

John Faed (1819–1902)
Le Rêve du poète, 1881 – 1882
Huile sur toile
104,7 × 142,9 cm
Édimbourg, Royal Scottish Academy of Art & Architecture Collections (RSA)
© RSA Collections, Edinburgh

Sous la houlette de Laura Bossi — neurologue, historienne des sciences et commissaire scientifique — et de Sylvie Carlier, directrice des collections, accompagnées d’Anne-Sophie Luyton, le musée met en scène une traversée somnolente et savante : une exploration sensible où la science du sommeil dialogue avec sa poésie.

Evelyn De Morgan (1855–1919) Nuit et Sommeil [Night and Sleep], 1878 Huile sur toile 108 × 152,8 cm Banstead, De Morgan Foundation © Trustees of the De Morgan Foundation

Entre drap et éclat
Terrain de jeu des peintres, refuge des poètes, théâtre des amants ou champ de bataille des insomniaques, le lit est le décor d’un abandon majestueux. Chez Marmottan, même les oreillers ont des airs de sculptures et les draps prennent des poses de clair-obscur. Ici, le sommeil ne se repose jamais. Il pense, il se montre, il respire.

Le rêve, ce petit cinéma intérieur
Freud l’a analysé, Dali l’a peint, les symbolistes l’ont poétisé. Le rêve, c’est le film qu’on regarde sans ticket d’entrée! Il fait défiler nos peurs, nos désirs, nos visages mêlés. Et dans les salles du musée, on passe d’un cadre à l’autre comme d’une scène à une autre dimension.

Claude Monet (1840–1926) Camille sur son lit de mort, 1879 Huile sur toile 90 × 68 cm Paris, musée d’Orsay © Grand Palais Rmn (musée d’Orsay) / Patrice Schmidt

Une exposition qui donne envie de s’allonger, de tout lâcher — et d’espérer que le veilleur de nuit oublie d’éteindre la lumière. Le sommeil chahuté — là où l’art veille sous les paupières. Même dans la fatigue, il reste du panache. L’insomnie devient performance, le rêve une matière plastique, la torpeur un manifeste.

Nos sociétés connectées peinent à dormir ? L’art, lui, s’en amuse : il décale, il titube, il plane. Car dans ce grand théâtre nocturne, tout est prétexte à beauté — même la perte de contrôle.

Michael Ancher (1849–1927) La Sieste [Middags hvil], 1890 Huile sur toile 62 × 79 cm Skagen, Art Museums of Skagen © Art Museums of Skagen

Bonne nuit, beaux rêves
« L’Empire du Sommeil » se visite comme une sieste éveillée, une traversée entre pulsion et poésie. On en ressort léger, comme après un rêve dont on se souvient à moitié — mais qu’on voudrait rejouer.

Francisco José de Goya y Lucientes (1746–1828) Le sommeil [El sueño], 1790 Huile sur toile 46,5 × 76 cm Dublin, National Gallery of Ireland © National Gallery of Ireland

“L’Empire du Sommeil”
Musée Marmottan Monet, 2 rue Louis-Boilly, 75016 Paris

Jusqu’au 1ᵉʳ mars 2026
marmottan.fr