Le MAMCO prend l’air, JTI prend la pose

Rue Kazem Radjavi : un nom qui sonne comme le titre d’un film futuriste. Et pourtant, c’est bien de poésie qu’il s’agit. Jusqu’au 6 février 2026, JTI transforme son hall d’accueil en galerie vivante. Cinq œuvres du MAMCO y prennent leurs quartiers d’hiver — un dialogue en grand format entre béton et émotion, où l’art s’invite dans le quotidien. À aller zieuter, l’air médusé, comme un poisson hors du bocal.

Quand le MAMCO ferme pour rénovation, JTI ouvre grand ses bras. Cinq sculptures quittent le musée pour squatter le hall d’un siège mondial, et soudain, la pause-café devient contemplation. À Sécheron, l’art contemporain se faufile entre deux meetings, s’invite dans le verre, l’acier et les regards pressés.

Les cinq sculptures du MAMCO s’observent, se jaugent, se répondent. Entre l’ours immobile, le jouet pop et la forme végétale, un théâtre silencieux se joue : celui de la matière qui pense et du regard qui s’éveille (c) Mina Sidi Ali

Sous la lumière rasante du bâtiment signé Skidmore, Owings & Merrill, les sculptures semblent flotter entre design et destin. Sylvie Fleury, pop et piquante, gonfle un jouet pour chien jusqu’à en faire une icône du désir : Dog Toy 4 (Gnome), clin d’œil ironique à nos instincts de possession. Vito Acconci, performeur et poète du métal, imagine Bodies in the Park, où le corps devient architecture et le banc, confessionnal. Valentin Carron dresse son Blind Bear, un ours aveugle qui voit plus loin que nous — mi-protecteur, mi-prédateur, gardien de nos contradictions alpines. Hans Rudolf Huber fait de la géométrie une prière silencieuse avec Deux éléments A + B, deux tubes jaunes comme une équation zen. Et Charlotte Posenenske, reine du minimal industriel, compose avec ses conduits modulaires (Vierkantrohre Serie D) un puzzle d’acier à assembler comme la ville elle-même.

“Dog Toy 4 (Gnome)” — Sylvie Fleury Un jouet pour chien passé en taille XXL : l’ironie pop selon Sylvie Fleury. Entre douceur rose et piquant bleu, la sculpture nous regarde, blasée, presque diva. Quand le kitsch devient manifeste (c) Mina Sidi Ali

Vingt-cinq ans de partenariat unissent le MAMCO et JTI, preuve qu’une entreprise peut aussi faire circuler la beauté comme on fait circuler les idées. Cette année, la marque souffle les 10 bougies de son siège genevois — un vaisseau architectural suspendu entre ciel et rails, devenu catalyseur de culture. Ici, les employés croisent les sculptures comme on croise des pensées : fugitives, vibrantes, essentielles. L’art, lui, n’a jamais eu d’aussi beaux bureaux.