Le Crève-Cœur, loin de la retraite pour ses 60 ans

La nuit enneigée du 21 février 1959, Raymonde Gampert ouvrait les portes du Crève-Cœur pour la première fois pour, à son grand étonnement, faire salle comble et transformer cet ancien pressoir en théâtre. Puis en 1990, Bénédict Gampert et Anne Vaucher, deuxième génération et couple d’artistes, reprenaient la tête du théâtre pour en faire un lieu de  créations et réflexions sur l’humain. Le Crève-Cœur s’est affirmé en tant qu’institution théâtrale genevoise de renom et emblème du théâtre intimiste, offrant au spectateur une proximité enrichissante avec les artistes. A la suite du décès de Bénédict Gampert, c’est sa fille, Aline Gampert, qui a repris en 2014 la direction du théâtre de Cologny en remettant au goût du jour l’une des plus anciennes scènes genevoises tant architecturalement qu’en matière de programmation. Rétrospective et prospective de ce théâtre familial et de ses soixante années avec sa pétillante directrice Aline Gampert. 

Qu’est-ce qui vous a mené à la direction du Crève-Cœur ? 

Comédienne professionnelle depuis 2002, j’ai joué pendant près de douze ans. En 2014, quelques temps après la disparition de mon père Bénédict Gampert, reprendre la direction du Crève-Cœur m’est apparu comme une évidence. Une envie très forte qui s’est naturellement imposé à moi. Représentant la troisième génération à la tête de ce théâtre, je m’efforce de conserver l’esprit artisanal propre à ce lieu, c’est-à-dire une ambiance chaleureuse alliant rigueur et qualité. II a fallu donner un grand coup de cravache pour remettre le théâtre à niveau. Tant du côté administratif qu’artistique. Je suis fière d’avoir repris cette entreprise familiale. Je suis très attachée à mes racines et c’est peut-être cela qui m’a donné des ailes. Car il en faut pour diriger un théâtre comme celui-ci. 

Le théâtre le Crève-Coeur

 

Les lignes directrices sont-elles les mêmes que celles de votre grand-mère, Raymonde Gampert ? 

Oui, je m’efforce de respecter l’histoire de ce lieu et sa ligne artistique en y mêlant bien sûr les exigences de notre époque. Mon souhait est avant tout de mettre en valeur les équipes professionnelles de la région et de soutenir la création, en proposant une programmation variée, mêlant théâtre et musique. Une création est un pari risqué tant financièrement qu’artistiquement. Mais pour diverses raisons, j’y tiens et je crois profondément à la nécessité de maintenir ce lien essentiel avec les artistes. 

 

La formule du brunch suivi d’une discussion a-t-elle toujours été présente au Crève-Cœur ?  

Les dimanches matins ont toujours été propices à diverses activités et j’ai souhaité garder ces formules passionnantes. Depuis quatre ans, le rendez-vous du dimanche matin est devenu un brunch suivi d’une rencontre menée par Anne Vaucher, avec un artiste invité qui parle de son parcours. Le public peut intervenir ou simplement écouter. J’aime cette proximité. Cela fait également partie des objectifs du Crève-Cœur. Créer des liens étroits et privilégiés avec nos spectateurs, et leur permettre de découvrir d’un peu plus près ce monde du spectacle parfois si mystérieux pour eux. 

Le théâtre le Crève-Coeur

Pouvez-vous revenir sur cette saison 2018-2019 ? 

Afin de fêter dignement les 60 ans et la réouverture du théâtre après des travaux de mise aux normes de sécurité et de transformations durant l’été 2018, j’ai souhaité une programmation festive. Eclectique aussi, ce qui me ravit, car j’ai toujours beaucoup aimé mélanger les genres. La saison a commencé par une opérette fantastique de Jacques Offenbach, mise en scène par le lausannois Benjamin Knobil. Etait accueilli ensuite Lionel Frésard avec son maintenant célèbre seul-en-scène Molière-Montfaucon 1-1 (Prix suisse SSA de l’humour 2017). Puis ce fut au tour du théâtre avec une pièce de Woody Allen mise en scène par l’excellent Didier Carrier et suivie par une adaptation très réussie de la non moins célèbre pièce de Shakespeare, Hamlet Cirkus par la metteure en scène genevoise Camille Giacobino dont j’adore l’univers. Et pour clore la saison, vous pourrez découvrir ou revoir Les Muskatnuss  avec leur spectacle fétiche Joli Foutoir qui se donne du 7 mai au 2 juin. C’est un cabaret musical mené par trois chanteuses-musiciennes-comédiennes absolument irrésistibles. Je vous promets un moment savoureux et plein de surprises.  

 

Quels sont les prochains projets ? 

Evidemment de continuer sur cette belle lancée car le Crève-Cœur est aimé, et ce de plus en plus ! Cela fait chaud au cœur de constater que le public genevois est attaché à ce lieu atypique. J’y vois plein de nouvelles têtes et j’espère réussir à fidéliser ce nouveau public. Ce sont des années charnières pour le Crève-Cœur. Entre les 60 ans cette année et les récentes rénovations, mises en œuvre par les architectes de l’Atelier Balan Semadeni qui ont réussi à ne pas dénaturer l’âme du Crève-Cœur, j’ose encore entrevoir beaucoup de belles années à venir. Entourée par une équipe en place passionnée et des artistes toujours heureux de jouer là, je croise les doigts pour que ce beau succès continue afin d’honorer comme il se doit le Crève-Coeur et son histoire. 

Théâtre le Crève-Cœur 
Chemin de Ruth 16, 1223 Cologny 
022 786 86 00 
www.lecrevecoeur.ch