L’art de l’espoir
©Artcreacom
À une époque où le nombre de réfugiés augmente chaque jour, une question se pose : comment serait-il possible de les aider tout en leur rendant une part de leur indépendance et de leur humanité ? C’est le pari lancé et réussi par SEP Jordan, un projet d’entreprise sociale créée par Roberta Ventura, une femme à la brillante carrière dans le monde de la finance, qui décide de tout plaquer pour monter cette entreprise. L’idée derrière SEP Jordan ? Ne pas se contenter de donner aux réfugiés, au risque d’ensuite les abandonner, mais créer une véritable opportunité pour les femmes du camp de Jerash, en Jordanie, de travailler, de vivre de leur art, la broderie, et ainsi d’engager un projet durable où les réfugiées ne seraient plus en demande d’aide, mais indépendantes et fières de participer à un projet. Cerise sur le gâteau, les écharpes et autres foulards brodés par ces femmes au talent indéniable connaissent aujourd’hui un succès grandissant, une réussite qui n’a pas de prix.
C’est maintenant la quatrième génération de réfugiés qui nait dans le camp de Jerash « Gaza » en Jordanie. Quatre générations d’hommes et de femmes exilés, vivant souvent dans des conditions précaires, et à la merci des associations humanitaires, qui vont et viennent, apportant trop souvent une aide à court terme. Pour les femmes qui sont nées, qui ont vieilli dans ce camp, SEP Jordan est d’abord apparu comme une belle promesse à laquelle il ne fallait comme toujours pas trop croire. Et puis les mois sont passés, le travail est arrivé, et les premiers salaires sont tombés. Enfin ces femmes étaient indépendantes, capables de subvenir aux besoins de leurs familles, mais aussi fières de leurs créations et de la chance que SEP Jordan leur avait offerte de changer leur vie.
Derrière ce projet qui a aujourd’hui changé la vie de centaines de femmes, Roberta Ventura, une fondatrice qui abandonne sa vie confortable de financière pour avoir un véritable impact sur le monde, sur des personnes dans le besoin. « Au début nous avons du faire face au scepticisme de ces femmes qui avaient vu trop d’associations s’installer, puis repartir, pour cause de manque de moyens. Mais quand elles ont compris que nous étions déterminés à nous installer, que l’atelier prenait forme, et que le travail était là, nous sommes rentrés dans un phase d’excitation totale ! De plus en plus de femmes voulaient avoir un travail chez nous, et aujourd’hui nous travaillons avec une équipe de presque 600 artisanes. » Ce sont elles, ces femmes installées depuis des années dans ce camp de réfugiés, qui sont au coeur de ce projet. Des artisanes au talent indéniable qui transmettent et partagent avec bonheur leur héritage. Au sein de l’académie mise en place par SEP et dirigée par deux réfugiées qui les forment, des jeunes artistes apprennent ou perfectionnent cette technique de point de croix qui reprend des siècles de tradition, et est aujourd’hui traduite dans la confection d’écharpes, de châles, de housses de coussins, utilisant le lin ou le cachemire, reprenant des motifs typiques de l’architecture islamique. « Chaque pièce demande des heures, parfois des semaines ou des mois de travail selon la commande. C’est un travail très éprouvant, car cela demande beaucoup de concentration, et elles ne brodent pas plus de quatre heures par jour. Chaque pièce est unique, car chaque main l’est aussi, et c’est aussi cela qui fait la richesse de leurs créations. La tradition s’allie à leur identité. ».
Dans un monde où l’image que nous avons des réfugiés est trop souvent négative, SEP Jordan parvient à nous faire changer d’avis, nous prouvant grâce à ce brillant projet que ces femmes à qui tout a été ôté possèdent de multiples talents. Aujourd’hui, l’entreprise multiplie les collaborations et grandie à toute allure. De plus en plus de femmes souhaitent intégrer SEP Jordan qui doit même refuser l’embauche des personnes formées dans leur académie, l’offre dépassant la demande. « Nous continuons tout de même à former, préparant ainsi l’avenir de SEP Jordan qui nous l’espérons continuera de se développer, et permettra ainsi à ces femmes de nous rejoindre et de vivre de leur talent ». Et Roberta Ventura travaille chaque jour à cette expansion, sans cesse à la recherche de nouveaux points de distributions des produits, mais travaillant également avec un tailleur du camp – un des seuls hommes de cette aventure – à la création de vêtements sur place.
Les collections connaissent alors un succès grandissant à Genève mais aussi à l’international, se développant petit à petit. Des pièces à la qualité de premier ordre qui reflètent un projet à la valeur inestimable. Derrière SEP Jordan, derrière ces magnifiques écharpes brodées, derrière ces pièces qui viennent nous parer, c’est une nouvelle vie offerte à toutes ces femmes que nous découvrons. Une broderie qui porte en elle toute une histoire, qui ne fait que commencer.
Boutique SEP Jordan Rue Vautier 31, Carouge. sepjordan.com