L’ART A-T-IL BESOIN DES MUSÉES ?

Le Jardin d’hiver aux Jardins Botaniques ©DR

Les réflexions concernant le rôle des musées et leur pertinence animent actuellement les débats aux quatre coins du monde. Ce genre de questionnement ne date pourtant pas d’hier. Depuis l’avènement des musées, les historiens de l’art mais aussi les collectionneurs et les amateurs d’art questionnent l’utilité de ces structures institutionnelles tout en réfléchissant aux différents enjeux auxquels elles doivent faire face. 

 

Les musées tels que nous les connaissons aujourd’hui datent du XVIIIe siècle. Dérivé du terme « muse », le musée s’annonce d’emblée comme un temple du savoir. Les premiers musées se caractérisent d’ailleurs par une architecture rappelant les temples romains, comme en témoigne le Musée Rath, qui fut le premier musée de Suisse inauguré en 1826, et qui abritait alors l’école des Beaux-Arts tout en présentant au public ses collections. Aujourd’hui, les musées ont bien changé autant architecturalement qu’institutionnellement. Dorénavant, exit le terme de « musée » qui peut sembler trop intimidant, plusieurs institutions lui préfèrent des appellations plus neutres comme « espace », « centre », « halle ». Un des exemples les plus remarquables est certainement Plateforme 10 à Lausanne dont le nom et l’architecture s’éloignent volontairement du langage habituel muséal. Cette distanciation signifie-t-elle que l’art peut se détacher des musées et donc qu’il n’a plus besoin de ces structures pour se développer ? Historiquement, il est vrai que le musée est arrivé bien tard comparé à l’art qui fait partie intégrante de chaque civilisation, même les plus anciennes. Pendant l’Antiquité, la production artistique était au centre des préoccupations bien qu’aucun lieu dédié à l’exposition d’œuvres au public n’ait véritablement été développé. Les collections étaient alors l’apanage des puissants qui rassemblaient dans leurs palais, maisons et même commerces des œuvres diverses et variées. Au Moyen-Âge, la religion s’empare pleinement de l’art et en fait le fer de lance du prosélytisme. Les églises deviennent d’une certaine manière, de vastes musées avant l’heure. À la Renaissance, les collections privées se développent à vitesse grand V et deviennent des marqueurs de prestige. Assurément, les collections privées dépendent des goûts et des intentions des collectionneurs, elles sont donc profondément subjectives. Il en est de même des premiers musées qui se fondent une volonté nationaliste, moralisatrice et éducative. 

©MEG, Johnathan Watts

Mais qu’en est-il de l’utilité des musées ? À quoi servent-ils réellement ? L’une des premières missions de ces institutions est la conservation et la transmission du patrimoine artistique. Contrairement aux œuvres en mains privées, les œuvres appartenant aux musées sont soumises à des règles strictes qui garantissent leur bonne préservation. De plus, les musées ont pour vocation d’étudier les objets afin de pouvoir transmettre un savoir, apporter un discours construit, pertinent ainsi que proposer des réflexions autour des objets présentés. Chaque exposition, temporaire comme permanente, est le résultat de nombreux choix opérés par les collaborateurs du musées, les commissaires d’expositions et les curateurs. D’une certaine manière, là aussi, le discours ne peut pas être totalement objectif, mais aujourd’hui il se doit d’être le plus universel et inclusif possible. Les musées sont ainsi des lieux de réflexion, de débat, de création, de soutien aux artistes et de découverte. 

Le Musée de l’Ariana ©Greg Clément

Ainsi, dans l’absolu, l’art se suffit à lui-même, il n’a pas besoin des musées pour exister, il peut vivre indépendamment. D’ailleurs, à l’exception de certaines pièces, les œuvres d’art ne sont pas créées dans le but d’entrer dans les musées. Néanmoins, l’art a certainement besoin des musées dans la mesure où ces lieux offrent des espaces privilégiés de partage, de transmission mais aussi de délectation, de rencontre et d’échange dont la société a fondamentalement besoin. Alors oui, l’art a bien besoin des musées, les artistes aussi et la société encore plus. 

La BGE aux Bastions ©Rémy Gindroz