Langage (d’architecture) vernaculaire
L’architecture ne peut aujourd’hui plus se permettre d’agir indépendamment des problématiques contemporaines. À une époque où le local est privilégié, et où le bâti doit réduire son impact écologique, le Mexique se présente comme un modèle à l’échelle mondiale dans son approche d’une architecture vernaculaire, mettant en valeur les matériaux, mais aussi les artisans locaux. De nombreux exemples contemporains sont témoins de cette attention portée à la mise en valeur du patrimoine matériel local, mais l’un d’entre eux se démarque par un désir encore plus poussé de tout simplement créer une maison mexicaine au Mexique. Portée par la designer Jennifer Kranitz, cette location de vacances située à Cabo San Lucas nous rappelle que pour faire du beau dans l’architecture, il n’est pas nécessaire d’aller le chercher très loin. Découverte d’un intérieur solaire qui nous fait rêver d’évasion de l’autre côté de l’Atlantique.
Quand l’architecture raconte une histoire
En partant en vacances à l’autre bout du monde, c’est un dépaysement et une incursion dans la culture locale que l’on espère. De la gastronomie à la culture, en passant également par l’architecture et le décor dans lequel nous séjournerons. À Cabo San Lucas, destination mexicaine phare, la designer et architecte d’intérieur Jennifer Kranitz, du studio PROjECT basé à Chicago, voulait offrir aux futurs locataires de cette villa de vacances une véritable plongée dans l’histoire et la culture mexicaine. En parlant de son projet, elle déclare sans équivoque la nécessité de donner une âme à une maison qui n’en possédait alors pas, un espace de location de plus dans un complexe de vacances uniforme. La villa de Cabo San Lucas est indéniablement enrichie d’une personnalité à part entière. Le projet, partant pour ainsi dire d’une page blanche, se devait avant tout de raconter une histoire aux futurs occupants, et à travers le choix du mobilier, des matériaux, des œuvres d’art, raconter l’histoire d’une région et d’une culture. À une époque où tout s’importe depuis l’étranger, et paradoxalement où l’apologie de la consommation locale est faite au quotidien, l’architecte avait pour souhait de trouver la majorité des matériaux et objets dans la plus grande proximité de la villa. « Une maison mexicaine devrait être remplie d’objets mexicains. Expédier des matériaux de Chine ou de San Diego à Cabo ? Pas question ! Nous voulions réduire notre impact » explique-t-elle. Une logique qui pendant des décennies a appartenu au passé, et qui pourtant est toujours restée très ancrée dans les constructions du pays d’Amérique Centrale, favorisant une architecture vernaculaire.
Le grand retour de l’organique
Dans le projet mené par Jennifer Kranitz, c’est le caractère organique de la demeure qui ressort au premier regard. Le choix de matériaux dans cette rénovation fait la part belle à la nature non altérée, aux matériaux bruts, et à la mise en valeur des ressources locales. Les coloris de la villa s’inscrivent dans une grande neutralité, au service d’une élégance épurée qui ne retire en rien le caractère organique du design. Les sols réalisés en pierre sourcée dans la région viennent répondre par leur tonalité effacée aux murs peints dans une couleur leur étant très proche, ponctuée par des cabinets en bois lui aussi puisé dans la région de manière durable. Mais au-delà de la base de la villa, ce sont ses apports décoratifs qui viennent faire toute la différence. Du côté du mobilier, le bois tzalam est à l’honneur, et vient répondre aux portes des différentes pièces et des espaces de rangement. Matériau omniprésent dans le projet, il est issu de diverses essences et a subi des traitements variés permettant son accumulation dans les objets tout en conservant un relief et en évitant un caractère uniforme. Pour l’adoucir, le tissu tient une place de choix, notamment dans la pièce à vivre. La pierre du sol est ici recouverte par un tapis en jute de la marque mexicaine La Metropolitana, tandis que le mobilier d’assise apporte de la texture grâce au bouclé du canapé et d’une chaise recouverte de fils végétaux. Naviguant dans les tons bruns, gris, et beige dans la totalité de la villa, Jennifer Kranitz se joue alors des textures, laissant une place de choix à l’organique. Ici pas de plastique ni d’artificiel, tous les matériaux sont naturels, se complétant les uns les autres et rappelant sans cesse la beauté du naturel. La table de la salle à manger reste l’exemple le plus flagrant. Elle aussi sourcée localement, elle offre au regard les imperfections du bois donnant immédiatement du caractère à la pièce. Objet fort, la table est entourée de chaises réalisées par un designer mexicain qui apportent un caractère indéniablement contemporain, utilisant ici une nouvelle fois le bois. Un travail de la matière qui est le résultat de créations d’artistes et artisans locaux, point d’orgue de cette villa de Cabo San Lucas.
Valoriser l’artisanat
Comme le disait Jennifer Kranitz en présentant son projet, une maison mexicaine doit être remplie d’objets mexicains. Et c’est en suivant cette adage que l’architecte d’intérieur a sélectionné le mobilier et les éléments décoratifs de la villa. Ainsi, les pièces imaginées par des créateurs locaux s’accumulent. Dans le salon, une chaise entièrement fabriquée à la main et recouverte de centaines de fibres d’agave – un produit récupéré ici qui est généralement jeté comme déchet dans la production du mezcal – a été réalisée par l’artiste Angela Damman, basée dans le Yucatan, et elle côtoie une création AD HOC, soit un tabouret en noyer et laine tissée à la main. Les interventions d’artistes sont omniprésentes dans la villa, du mobilier aux objets décoratifs à l’image de l’imposant lustre tissé en corde de coton par la créatrice de bijoux Daniela Bustos Maya, possédant un atelier à Merida. Conçu exclusivement pour ce projet, le lustre s’impose comme une œuvre d’art au-dessus de la table en bois de la salle à manger. Oeuvre d’art aussi, mais cette fois-ci peinte à-même les murs dans la chambre réservée aux enfants. Plutôt que d’utiliser du papier peint, qui aurait été importé, Jennifer Kranitz décide de faire appel à l’artiste de Guadaljara Priscila Gonzalez Urrea pour venir représenter sur les murs la faune de la région. La villa de vacances imaginée par PROjECT se propose alors comme un voyage en elle-même. C’est une plongée dans l’univers du design et de l’art mexicain qui est ici réalisée, le tout avec en tête tout au long de sa réalisation la réduction de l’empreinte carbone et la valorisation du local. Une preuve que parfois il ne faut pas aller chercher si loin de chez soi pour trouver des merveilles.